Jean Haëntjens, économiste et urbaniste, a récemment publié un article pour la revue scientifique Futuribles où il met en évidence quatre obstacles d’ordre idéologique et sociopolitique à la transition énergétique en France et plus généralement, en Europe.
Le premier obstacle renvoie directement aux choix des ménages, un changement dans les habitudes de consommation pouvant, d’après l’auteur, avoir des effets à la fois rapides et efficaces sur l’environnement. Il souligne toutefois que ces changements de comportements sont rendus d’autant plus difficiles que, de nos jours, le consommateur « responsable » se retrouve désorienté face à la profusion des modes de vie alternatifs qu’on lui propose : « l’écolo-consumérisme tendance « bobo » et « l’économie de guerre » réclamée par certains écologistes radicaux, l’éventail des offres est plus que large. Les approches philosophiques de la « frugalité heureuse », les théories de la société du partage, les « bannissements moraux » de certains comportements (…) ».
Un autre obstacle à la transition énergétique correspond à ce qu’il nomme les « systèmes sociotechniques » qui renvoient d’une part, à la dérégulation des secteurs de l’énergie et des transports, d’autre part, à la croyance aveugle au « solutionnisme technologique », c’est à dire en l’idée que le progrès technique et les innovations technologiques pourraient permettre de réduire voire de corriger les dommages faits à l’environnement. Or il s’agirait là de mauvais calculs car « il est de même hautement probable que les économies promises par la voiture autonome seront plus que compensées par l’allongement des distances qu’elle rendra possible » souligne l’auteur.
Jean Haëntjens évoque également le fossé idéologique persistant entre le monde de la finance et celui de l’écologie. En effet, le manque de rentabilité longtemps imputé au secteur de l’écologie l’aurait rendu impopulaire aux yeux d’une société encore fortement régie par les banques et le capital. Le dernier obstacle mentionné est la gouvernance de l’écologie. En France, cette dernière fut pendant longtemps l’apanage des partis politiques, or leur idéologie reste empreinte de la croyance selon laquelle des « millions de micro-initiatives suffiraient à produire un changement de paradigme » et à assurer la transition écologique.
Les conclusions de l’auteur sont toutefois encourageantes, ces forces étant à son sens en train de basculer : « l’urgence climatique pourrait bien faire sauter une partie des blocages idéologiques et sociopolitiques qui, depuis 50 ans, s’opposent à la mise en œuvre d’une transition énergétique ambitieuse ».
Pour consulter l’article :
Haëntjens, J. (2020). Les obstacles à la transition énergétique: Les résistances idéologiques et sociopolitiques. Futuribles, 436(3), 41-54. Repéré à: https://www.cairn.info/revue-futuribles-2020-3-page-41.htm
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