Les paysages des monts Bamboutos et des monts Bana-Bangangté-Bangou dans les hautes terres de l’Ouest-Cameroun disposent désormais de cadres de concertation capables de rechercher et mettre en œuvre des solutions, en vue d’améliorer la gestion des forêts et des terres de ces zones. Il s’agit des comités de gestion du paysage (CGP). Ces structures de gouvernance ont été installées respectivement le 16 août 2022 à Bafoussam pour les monts Bamboutos et le 18 août 2022 à Bana pour les monts Bana-Bangangté-Bangou. Le comité de gestion du paysage des monts Bamboutos (couvrant les communes de Babadjou, Batcham, Mbouda, Fongo-Tongo, Nkong-Zem et Santa) constitué de 25 membres, sera présidé par Gisèle Tsangue, maire de la commune de Babadjou. Celui des monts Bana-Bangangté-Bangou (entourant les communes de Bana, Bangangté et Bangou) constitué de 23 membres, sera assuré par Paul Sikapin, maire de la commune de Bangou. La durée de leur mandat est de deux ans non renouvelable par commune.
Les membres de ces structures ont été désignés à la suite d’un processus « inclusif » conduit avec l’assistance technique de l’ONG internationale Rainforest Alliance. Autrement dit, leur composition prend en compte la représentativité de toutes les communes et communautés riveraines des deux paysages. Par ailleurs, les CGP installés rassemblent plusieurs acteurs : les représentants des groupes socio-professionnels (agriculteurs, éleveurs…), des chefferies traditionnelles, des associations féminines actives dans les zones des paysages, des populations Mbororos, du secteur privé actif dans ces zones, des organisations de la société civile et des jeunes.
« Le PNUE (Programme des Nations unies pour l’Environnement; Ndlr) accorde une place importante à toutes les coalitions multi-acteurs où le gouvernement, le secteur privé, la société civile, les autorités traditionnelles se retrouvent pour définir une vision afin de gérer durablement un paysage. C’est la voie pour l’avenir », explique Dr. André Toham, consultant biodiversité et dégradation des terres au PNUE. Dans la même veine, le recours à ce mécanisme multi-acteurs vise à rompre avec des solutions importées de développement local, dans un contexte où il faut penser global et agir local, de l’avis du représentant du délégué régional de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable de l’Ouest, Willy Kevin Simo Tenkam.
Le comité de gestion du paysage, levier fondamental pour la gestion durable du paysage
Selon Rainforest Alliance, l’enjeu de la mise en place des CGP est d’assurer la gestion durable des paysages concernés, afin de relever, sur le long terme, leurs défis environnementaux et sociaux urgents. La structure a pour missions d’analyser les contraintes à la gestion durable et les menaces à la biodiversité des deux paysages et de proposer des solutions, de superviser le processus d’élaboration du plan de gestion desdits paysages. Sur un tout autre plan, le CGP a pour rôle de conduire le processus légal de création des deux paysages en zone d’aménagement prioritaire (ZAP), promu par la loi d’orientation du 6 mai 2011 sur l’aménagement et le développement durable du territoire du Cameroun.
Une meilleure représentativité des femmes
La composition des CGP a pris en compte l’aspect genre. Le cas le plus illustratif est la désignation de Mme Gisèle Tsangue, maire de la commune de Babadjou, au poste de président du CGP des monts Bamboutos. Elle a reçu la confiance de ses pairs qui ont mis en avant son expérience comme ingénieur général des eaux, forêts et chasses. L’on remarque également la percée de la femme Mbororo avec le choix porté sur Mme Ahi Djamilatou de la commune de Batcham. Il s’agit de l’aboutissement d’un travail de terrain mené par Rainforest Alliance pour promouvoir le leadership féminin et faire progresser les droits des femmes.
L’objectif était d’atteindre un quota d’au moins 30% de femmes au sein des différentes instances de prise de décision. Huit femmes ont ainsi été désignées de part et d’autre lors des ateliers de Bafoussam et Bana. L’intérêt d’impliquer la femme est justifié par le fait que la plupart des activités au sein de ces paysages sont majoritairement menées par les femmes, même si elles ont peu de parcelles, à en croire le chef supérieur Bana, Sa Majesté Sinkam Happi V.
Deux refuges de biodiversité à sauver
Selon le directeur Afrique centrale de Rainforest Alliance, Nadège Nzoyem, les CGP désormais opérationnels sont des « structures pionnières » qui pourront servir de référence et inspirer l’implémentation des activités concourant à la durabilité (environnementale et sociale) des autres paysages du Cameroun. Le choix porté sur les paysages des monts Bamboutos et des monts Bana-Bangangté-Bangou n’est pas anodin. Ce sont deux refuges de biodiversité. Les monts Bamboutos par exemple constituent un château d’eau sous-régional, avec une contribution à 60% aux besoins en eau des habitants pendant la saison sèche.Les vallées escarpées des monts Bana-Bangangté-Bangou quant à elles, constituent une opportunité écotouristique à capitaliser et à préserver, selon le maire de la commune de Bangangté, Eric Aimé Niat. Ces paysages assurent également la régulation du climat de ces zones et facilitent la pratique de l’agriculture et de l’élevage. En outre, ils fournissent des biens et services écosystémiques et participent au maintien de l’écosystème et du microclimat de ces zones. Toutefois, les paysages et le couvert forestier de ces monts sont menacés par les activités humaines, notamment la conversion des forêts en terres agricoles, le besoin accru des pâturages pour les animaux, la croissance démographique, la pollution des eaux superficielles ou souterraines…
La mise en place des CGP s’inscrit dans le cadre du projet « Eliminer les obstacles à la conservation de la biodiversité, à la restauration des terres et à la gestion durable des forêts par la gestion communautaire des paysages ». Le projet COBALAM (en anglais) est mis en œuvre sur la période 2020-2025 par Rainforest Alliance, en partenariat avec ONU-Environnement et le ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable (MINEPDED). Le financement est assuré par Global Environment Facility (GEF) ou Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM).
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