Le Fonds national climatique sera lancé par les pouvoirs publics avant le mois d’avril, selon le ministre de l’Environnement et du Développement durable. Dans cette interview, Abdoulaye Baldé aborde également la stratégie nationale sur le développement durable, l’érosion côtière et la conférence mondiale sur le climat prévue, en décembre prochain, à Paris.
Monsieur le ministre, sur la question centrale des changements climatiques, quelle est la stratégie proposée par le Sénégal à la suite de la Conférence internationale qui s'est récemment tenue à Lima, au Pérou ?
A la suite de cette conférence qui prépare celle de Paris, tous les pays se sont mobilisés pour lutter contre l’élévation de la température du globe. Au regard de cela, le Sénégal s’est engagé à élaborer son plan national d’adaptation pour tous les secteurs vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques. Ce plan qui est un processus de longue durée permettra au pays de pouvoir faire face à ces calamités grâce à des simulations de modèles climatiques sur 2020, 2030 et 2050. Cela, pour mieux définir la vulnérabilité du pays et ainsi proposer des pistes de solutions durables. En outre, un processus national est actuellement en cours, en vue d’engager le pays vers des contributions à l’effort de lutte contre le changement climatique. Ce processus a été lancé avec l’atelier de restitution des conclusions de la Cop 20 tenu le 20 janvier dernier. Il s’agira d’établir une contribution nationale déterminée du Sénégal d’ici à 2030 afin de concourir à une mise en œuvre du Plan Sénégal émergent et donc, à la prise en charge des changements climatiques. Cette contribution va prendre en compte l’adaptation, l’atténuation, le renforcement de capacités, le transfert de technologie et un cadre institutionnel et légal. Pour cela, la mobilisation de tous les acteurs de développement sera nécessaire.
Pour rappel, il existe un cadre pluridisciplinaire appelé Comité national sur les changements climatiques, qui est le cadre fédérateur, regroupant l’ensemble des acteurs de la société civile, de la recherche, du secteur privé, de l’administration, des décideurs politiques, des collectivités locales œuvrant dans la lutte contre les changements climatiques. Ce cadre va porter ce processus en mettant en place un groupe de suivi qui permettra de recruter les consultants qui vont établir la contribution. Des rencontres ministérielles et consultations seront prévues afin d’identifier tout ce qui est fait en matière d’adaptation et d’atténuation, des ateliers régionaux seront également de mise pour une meilleure implication de la base.
Que fait présentement le Sénégal pour bénéficier des énormes possibilités offertes par le Fonds vert climat ?
Par rapport au Fonds vert climat (Fvc), le Sénégal a démarré le processus readiness pour se préparer au financement climatique. Un travail d’analyse sera nécessaire pour voir dans quelle mesure les organisations mises en place satisfont aux exigences du Fvc. Nous développons aussi d’autres outils pour mobiliser des ressources financières : c’est le cas du Fonds national climatique que nous mettrons en place d’ici avril avec l’appui et l’accompagnement de partenaires techniques et financiers. Aussi, les forces et faiblesses des institutions en place seront évaluées dans le but de déterminer les besoins en assistance. Ce travail préalable permettra à l’Etat d’être mieux préparé à prendre ses décisions sur le montant des financements souhaités et sur les avantages à attendre d’un accès direct aux ressources du Fvc. Les résultats de l’analyse pourront être utilisés par le Sénégal pour renforcer les capacités de ces entités ; ce qui permettra d’assurer une mise en œuvre des financements nationaux et internationaux axée sur les résultats. Le programme de préparation au financement climatique apportera également son soutien à cette fin. L’Etat a désigné temporairement un point focal pour le Fonds vert climat, en vue de faciliter son processus de préparation pour l’accréditation.
Quelle sera la contribution du Sénégal à la prochaine conférence mondiale sur le climat prévue à Paris ?
A l’issue de la 20ème conférence des Parties sur les changements climatiques, les pays ont été conviés à prendre des engagements à travers les contributions déterminées au niveau national.
D’ailleurs, le ministère de l’Environnement et du Développement durable s’est attelé à l’élaboration d’une feuille de route pour préparer sa contribution nationale en organisant un atelier de restitution des conclusions de la Cop. A travers cet atelier, l’ensemble des acteurs et parties prenantes au changement climatique sont mobilisés pour démarrer le processus de contribution. Ainsi, le Sénégal, depuis qu’il a signé et ratifié la Ccnucc (Conventions cadre des Nations Unies sur les changements climatiques), s’est engagé à élaborer périodiquement des communications nationales dans lesquelles il réalise des inventaires de gaz à effet de serre pour les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, des procédés industriels, des déchets, de la foresterie et l’utilisation des terres et propose une analyse de potentiels d’atténuation. Le Sénégal contribue, à travers l’élaboration des mesures appropriées d’atténuation dans les secteurs du biogaz, du solaire photovoltaïque et de l’éclairage bâtiment. Il est également en train de mettre en place un cadre propice pour faciliter une stratégie de développement sobre en carbone visant les horizons 2020 et 2050. Plusieurs projets et programmes d’atténuation ont été développés, notamment le nommé efficacité énergétique dans les bâtiments. De même, des portefeuilles de projets de mécanisme de développement ont été enregistrés. Egalement en matière de contribution, le pays a mis en œuvre plusieurs programmes et projets en matière d’adaptation dans les secteurs de l’agriculture, de la foresterie, des ressources en eau, de la pêche, etc. Des études de vulnérabilité plus approfondies vont être engagées à travers le plan national d’adaptation pour davantage analyser et intégrer le risque climatique dans la planification nationale. Cet ensemble de production pourra être une contribution du Sénégal à l’effort de lutte contre les changements climatiques.
S'agissant de la question cruciale de l'érosion côtière qui concerne toute l'étendue du territoire national, quelles sont les réponses les plus récentes que vous avez apportées ?
La problématique de l’érosion côtière est un fait récurrent depuis une trentaine d’années et les changements climatiques sont venus amplifier les conséquences. En effet, le Sénégal, depuis quelques dizaines d’années, se voit aider par les partenaires dans sa lutte contre l’érosion. Ainsi, quelques programmes ont essayé de répondre à cette problématique, dont celui d’adaptation des zones vulnérables à l’érosion côtière communément appelé le projet du fonds d’adaptation. Il a permis de donner une première réponse à ce phénomène grâce à l’édification d’une digue de 750 m de long à Thiawlène. Des brises lames au niveau de Saly ont permis tout de même de préserver les plages de la Petite côte. Malheureusement, pour ce dernier cas, du fait des contraintes techniques et financières, la réalisation totale qui était attendue n’a pas pu être effective. Une autre réponse par rapport à cette problématique, c’est l’adoption d’une loi sur le littoral.
L'environnement est considéré comme une problématique transversale. Comment parvenez-vous à travailler en synergie avec les autres départements ministériels concernés ?
La validation et la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement durable constitue le levier sur lequel nous comptons nous appuyer pour asseoir cette transversalité. A côté, nous avons entrepris de rendre plus dynamique la structure chargée des études d’impact environnementales. Pour l’instant, des cadres de partenariat, des protocoles et autres cadres de mise en synergie sont mis en place selon les secteurs intéressés. Le dernier en date est celui signé avec le ministère des Sports, afin que les Asc prennent en compte la question environnementale.
Plusieurs observateurs estiment que l'environnement est traité en parent pauvre par les pouvoirs publics. Qu’en est-il exactement ?
Le chef de l’Etat donne à l’environnement toute sa place dans ses discours et programmes politiques. Pour preuve, tous les chantiers qui me sont confiés concernent le reboisement, la conservation de la biodiversité, la lutte contre les changements climatiques. Mais aussi l’amélioration du cadre de vie et de développement durable. Cependant, les priorités étant nombreuses, aucun département n’a suffisamment de moyens, notamment les financiers, pour l’atteinte des objectifs dans les délais requis. Ce qui nous est alloué en termes de ressources reflète si bien le chiffre estimé de notre contribution pour le Pib. Aujourd’hui, le ministère de l’Environnement et du Développement durable travaille et mène des études sur la contribution du secteur à l’économie nationale. Par ailleurs, le chef de l’Etat va présider, ce 21 février, la première édition de la Journée nationale de la foresterie. Cela, pour vous dire tout l’intérêt qu’il accorde à ce secteur qui est le garant de l’émergence.
Propos recueillis par Mamadou Lamine DIATTA
Source : lesoleil.sn