Par Masami Kojima, spécialiste principale en énergie, Banque mondiale
« Ce qui pourrait vraiment m’aider à développer mon activité, c’est l’accès à un réseau électrique fiable », me disait récemment David, un petit chef d’entreprise de Lagos, au Nigéria.
« Je suis bien d’accord. Si seulement… », lui répondait un autre.
Et pour cause. La lanterne rouge en la matière est bien l'Afrique : seul un habitant sur trois a accès à l’électricité, soit deux fois moins qu’en Asie du Sud, région du monde qui occupe l’avant-dernière place du classement. Et le tableau est encore plus sombre lorsqu'au-delà de l’accès, on se penche sur la fiabilité des sources d’électricité.
Comment ne pas s’inquiéter quand on voit que le taux d’accès n’a progressé que de 5 points de pourcentage tous les dix ans, tandis que la population bondissait de 29 % ? Si rien n’est fait pour remédier radicalement à cette situation, le continent peut dire adieu à l’universalité de l’accès à l’électricité au 21e siècle. Une perspective plus que préoccupante alors que le monde vise à concrétiser cet objectif d’ici 2030.
L’initiative « Énergie durable pour tous » des Nations Unies et les milliards de dollars engagés par le gouvernement américain dans son programme Power Africa soulignent bien l’urgence de la situation. Pour mémoire, plus d’un milliard d’individus dans le monde, dont 600 millions en Afrique, n’ont toujours pas accès à l’électricité.
Les compagnies africaines sont-elles financièrement équipées pour répondre à cet appel ?
%u200BComment faire pour que les populations pauvres aient accès à une électricité fiable, sûre et bon marché ? Quel ménage accepterait de dépenser des fortunes pour subir au quotidien des coupures d’électricité de plusieurs heures ? Les fournisseurs d’électricité ont-ils les moyens de subventionner ceux qui en ont le plus besoin, mais qui ne parviennent pas à régler leur facture, sans pour autant compromettre leur rentabilité ?
Si l’on en croit un nouveau rapport de la Banque mondiale consacré au secteur de l’électricité en Afrique, c’est possible. Après avoir recueilli des données auprès des compagnies d’électricité de 39 pays d’Afrique, analysé les informations tirées d’enquêtes sur les dépenses des ménages dans 22 pays et passé au crible les tarifs de l’électricité également dans 39 pays, les chercheurs se sont posé un certain nombre de questions :
Les réponses sont en demi-teinte… Ainsi, alors que le total des recettes de la facturation ne suffit pas à financer les dépenses des compagnies d’électricité, l’étude constate qu’en éliminant les inefficacités opérationnelles (réduction des déperditions du réseau et recouvrement des factures auprès de tous les usagers), les coûts pourraient être intégralement couverts dans un tiers des pays étudiés. Pour les autres, il faudrait augmenter les tarifs et réduire les coûts. L’étude a également pointé le caractère inabordable du coût initial de raccordement à un compteur individuel pour la plupart des ménages, d’où la banalisation des connexions multiples sur un seul appareil. Pour les compagnies d’électricité, la consommation enregistrée sur ce compteur (celle en fait de plusieurs ménages pauvres) équivaut à celle d’un seul ménage riche. De sorte que les pauvres ne peuvent pas bénéficier des tarifs privilégiés que de nombreux pays mettent en place pour ces usagers.
Ces conclusions suggèrent un certain nombre d’options pour remédier aux problèmes identifiés. Chacune doit être adaptée à la spécificité du contexte et à l’histoire du pays, sachant que la situation sera d’autant plus facile à apprécier qu’une entreprise peut comparer ses résultats à celles de ses homologues, avoir accès à des niveaux de performance de référence et s’appuyer sur des propositions concrètes.
Les raisons d’espérer sont bien là.
Ainsi, un programme de subventions ciblé mis en place au Kenya pour électrifier les bidonvilles, avec le soutien financier de la Banque mondiale et du Partenariat mondial pour l’aide basée sur les résultats, a permis à de nombreux ménages de se raccorder officiellement au réseau électrique.
« On voit la différence par rapport aux raccordements sauvages, car la lumière est plus vive et de meilleure qualité », déclarait l’an dernier un habitant à un journaliste de Parastatal Africa. « Ça ne revient pas plus cher qu’avant et en plus, c’est sûr. Alors, nous n’avons pas hésité. » Ces subventions ciblées conjuguées à des mesures visant à optimiser l’efficacité opérationnelle font partie des pistes à explorer, comme le suggère ce nouveau rapport.
Cette étude a été financée par le Programme d’accès aux énergies renouvelables en Afrique (AFREA) avec le soutien du Programme d’assistance à la gestion du secteur énergétique (ESMAP) de la Banque mondiale
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Source : Banque Mondiale
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