L'utilisation du terme " entrepreunariat social " est relativement nouveau au Québec. Sophie Gélinas fait partie de ceux et celles qui sont derrière l'intérêt grandissant pour celui-ci. De par son implication avec " À go on change le monde " elle est devenue une figure incontournable sur la question.
Au cours des dernières années, les défis soulignés par le discours sur la durabilité ont posés les jalons d'un mouvement vers l'entreprise responsable dans lequel s'inscrit l'entrepreunariat social. La création d'entreprises au service de causes sociales ne date pourtant pas d'hier. En 1996, parmi les conclusions du Chantier de l'économie sociale ; la constatation selon laquelle l'économie sociale était l'un des piliers du modèle économique québécois.
Originaire de la Mauricie, Sophie Gélinas possède une Maîtrise en science politique de l'Université du Québec à Montréal dans un programme conjoint avec l'Université Antilles-Guyanne et un Baccalauréat en science politique de la même université montréalaise dans un programme conjoint avec l'Institut d'études politiques de Grenoble.
Depuis 2006 elle coordonne les activités en entrepreunariat social développées à l'Institut du Nouveau Monde (INM). C'est à l'été 2007 que l'Institut lançait le programme " À go on change le monde ". Cette initiative de l'INM " vise à valoriser, à soutenir et à stimuler la réalisation de projets d'entrepreneuriat social chez les jeunes de 15 à 35 ans ".
La mission de l'INM est le développement de la participation citoyenne et le renouvellement des idées aux Québec. Sophie Gélinas explique à Médiaterre qu'il devenait naturel de développer un tel programme pour l'INM puisque " l'entrepreneuriat social est une façon très concrète de s'engager dans la société et de participer à l'émergence et la réalisation d'idées novatrices ". C'est avec la Caisse d'économie solidaire Desjardins que l'INM a créé le programme.
L'intérêt, ou " l'émerveillement " de Sophie Gélinas pour la question tient dans " la force d'innovation des entrepreneurs sociaux, (à) leur capacité d'imaginer des solutions novatrices à des problématiques sociales ". C'est à la lecture " passionnante " du livre de David Bornstein "Comment changer le monde: les entrepreneurs sociaux et le pouvoir des idées nouvelles" (2005) que Sophie Gélinas a découvert " qu'entreprendre pouvait aussi rimer avec engagement social ".
L'entrepreunariat social doit certes rimer avec mesures d'amélioration de la qualité de vie ou d'utilité sociale. Autrement, on parlerait simplement de mise à profit d'expertises entrepreneuriales au service d'idées innovantes. C'est d'ailleurs une critique de plus en plus dirigée vers les cercles d'entrepreunariat social. Qu'est ce que ce type d'activité a de nouveau ? N'est-ce pas une forme d'entrepreunariat comme une autre ? Et les entrepreneurs ne sont ils pas tous des entrepreneurs sociaux ? Sophie Gélinas explique que tout tourne autour du concept d'innovation au profit de la société ou de l'environnement. En soi, c'est la focalisation des énergies dans cette direction qui est nouvelle. À chaque époque son entrepreunariat social peut-être ? À l'époque de la fondation des Caisses Desjardins, il était important de rendre le crédit disponible aux Québécois. Desjardins est aujourd'hui la plus grande banque de la province.
Dans le cadre de son mandat à l'INM, Sophie Gélinas voit au développement de partenariats au Québec et à l'international. En faisant allusion à un partenariat avec le Goethe-Institut de Montréal et la Jeune Chambre de commerce de Montréal dans l'organisation d'un événement sur l'entrepreunariat social en Allemagne (2009), Sophie Gélinas explique que si le concept est bien développé en Europe et que les théoriciens d'ici s'inspirent des expériences Européennes, il lui apparaît dangereux de le voir évoluer... " trop souvent sans balises ".
Il est important pour elle " que l'entrepreneuriat social ne soit qu'une mode passagère ou qu'une étiquette utilisée par certaines organisations pour redorer leur image. L'entrepreneuriat social est porté par des principes et de valeurs et doit se refléter dans les actions des entreprises sociales ".
Les écoles de commerce se sont vite emparées du concept et pour cause. Il ne faut pourtant pas oublier que l'objectif premier des initiatives doivent miser sur la résorption ou la prévention d'une problématique sociale. Au Québec, en développant une définition respectée de l'entrepreunariat social, l'INM devrait assurer ce rôle de " balise ". Un peu à la manière d'organisations comme Ashoka à l'international.
La définition élaborée par l'INM fait de plus en plus consensus. Dans cette définition sur laquelle Sophie Gélinas a travaillé, l'entrepreneur social est notamment une personne qui identifie des problématiques ou des besoins sociaux, qui développe un projet démontrant un impact social important et durable et qui met de l'avant une solution pragmatique et novatrice dans le but de favoriser le changement et l'innovation sociale. L'entrepreneur social inscrit en outre sa stratégie d'entreprise dans une approche de développement durable.
Pour Sophie Gélinas, les différences entre l'entrepreneuriat social au Québec et en Europe reposent sur deux principaux enjeux: la place de l'État et le contexte historique du mouvement de l'économie sociale et solidaire. Au Québec, l'État, le mouvement coopératif et syndical occupent une place importante. En Europe, selon les pays, il est plus ou moins développé. En Grande-Bretagne, le concept est très bien implanté alors que la situation en France est comparable à celle du Québec.
Est-ce que le rapport avec les jeunes entrepreneurs sociaux donne envie de devenir soi-même entrepreneur social ? C'est un des paris de " À go on change le monde ". À cette question, Sophie Gélinas réplique qu'elle se considère un peu déjà comme entrepreneure sociale. Elle ajoute que dans le cadre de son travail à l'INM elle avait " constaté un besoin des jeunes voulant être accompagnés pour réaliser des projets entrepreneuriaux engagés socialement. J'ai donc conçu un programme novateur afin de répondre à leurs besoins (et j'ai entrepris les démarches) afin d'assurer le financement de nos activités et de réaliser les partenariats nécessaires ". En gestion on parle " d'intrapreneur ".
Son évolution comme intrapreneure s'inscrit bien dans son expérience professionnelle antérieure. Avant son arrivée à l'INM, Sophie Gélinas travaillait au Conseil jeunesse de Montréal sur l'analyse des enjeux d'intérêt chez les jeunes. Entre 2002 et 2004 elle était responsable des communications pour le Collectif des entreprises d'insertion du Québec.
Maintenant que Sophie Gélinas est de retour en Mauricie, tout en continuant à s'intéresser à la promotion de l'entrepreunariat social au Québec, elle souhaite développer dans ses temps libres des projets d'entrepreneuriat social dans le village où elle habite. En ce qui concerne l'entreprise sociale " À go on change le monde ", elle souhaite que voir son impact grandir au cours des prochaines années. Elle désire continuer son travail de promotion " d'initiatives inspirantes qui contribuent à redonner l'espoir et le désir de s'engager (et souhaite) stimuler le désir chez les Québécois de devenir des entrepreneurs sociaux dans leur milieu, leur quartier, leur école ou leur village ".
Face aux défis sociaux et environnementaux actuels, on ne peut qu'espérer avec elle voir l'émergence d'une relève de jeunes engagés concrètement dans le changement social.
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