En ce moment, c'est le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) qui a la responsabilité du biogaz alors que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) est responsable de promouvoir l'efficacité énergétique. Pour promouvoir de façon efficace ces deux développements énergétiques, il faut faire exactement le contraire.
Le biogaz : sous une autre lorgnette
Le biogaz, c'est autre chose qu'un problème ou une valeur ajoutée à la gestion des déchets!
Le biogaz est composé de méthane et de CO2, deux gaz responsables du réchauffement planétaire, le premier étant un gaz à effet de serre 21 fois plus problématique que le second. S'échappant entre autres des sites d'enfouissement et des dépôts de matières résiduelles, celui-ci doit être brûlé afin de limiter les dommages environnementaux. Au MDDEP, le programme Biogaz permet de financer l'élimination des biogaz en les brûlant, produisant ainsi une chaleur qui peut être utilisée par exemple par une serre. Mais l'objectif principal est de régler un problème.
Par ailleurs, dans le cadre de sa politique de gestion des matières résiduelles, le MDDEP prévoit également la production de biométhane (biogaz purifié) comme valorisation des matières résiduelles. L'objectif principal est de valoriser les déchets; la production de biométhane est une valeur ajoutée. D'ailleurs, il est remarquable de constater que le programme permet également de simplement produire du compost, délaissant ainsi la possibilité même de produire ce biogaz. De plus, une partie importante des déchets agricoles pour la production de biométhane n'est pas disponible pour ce programme puisqu'un autre programme Prime-Vert permet également de valoriser le biogaz.
Cherchez l'erreur...
Pendant ce
temps-là, le MRNF fait la promotion des hydrocarbures comme le gaz de
schiste et le pétrole - deux combustibles fossiles que l'on cherche à
remplacer en raison de leur non-viabilité.
Résultat : le développement d'hydrocarbures en sol québécois est
comparé aux sables bitumineux et au gaz naturel de l'Alberta plutôt que
d'être comparé au biogaz. On parle alors d'indépendance énergétique, et
de diminution de gaz à effet de serre en raison du transport du pétrole
et du gaz, et ce même si le gaz est acheminé par pipelines souterrains
et que les compagnies qui tirent des profits de ces hydrocarbures
viennent entre autres... de l'Alberta!
Or, c'est plutôt avec le biogaz qu'il faudrait comparer le gaz de schiste, c'est-à-dire avec la meilleure solution et non la pire! La gestion du biogaz doit faire son entrée dans la cour des grands, c'est-à-dire être rapatriée au complet au MRNF (tout en s'assurant que celui-ci ne sera pas une excuse pour ralentir la réduction des déchets).
Si la Suède, qui ne développe pas d'hydrocarbures mais le biogaz, est capable d'annoncer que le biogaz remplacera d'ici peu 20 % des besoins en transport sur son territoire, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire pareil, en comblant le reste avec l'électricité éolienne et hydro-électrique. De plus, il est tout à l'avantage de nos entreprises - telles que Gaz Métro par exemple - de faire la promotion du biogaz comme étant une solution à privilégier. Et on prendra ainsi une longueur d'avance sur les États-Unis, qui commencent à réaliser eux aussi que le gaz de schiste est davantage un problème qu'une solution.
Le biogaz n'est pas une valeur ajoutée ou un problème à régler; il est une source d'énergie renouvelable, disponible, peu coûteuse (pour une source d'énergie) et dont les bénéfices sociaux, économiques et environnementaux sont majeurs.
L'efficacité énergétique au MRNF : c'est le monde à l'envers!
L'efficacité
énergétique vise à diminuer la consommation d'énergie, et ce, tant de
la part des individus que des commerces, industries et institutions. En
ce moment, c'est le MRNF qui est responsable du dossier de l'efficacité
énergétique, c'est-à-dire la réduction de la consommation d'énergie,
alors que son mandat principal est le soutien à la production d'énergie.
Encore une fois, c'est le monde à l'envers : on demande à un ministère responsable de l'exploitation des ressources naturelles, dans une optique de développement de marché, de réduire également la consommation de cette énergie, donc les profits. C'est comme demander à n'importe quel commerce d'augmenter ses ventes d'un côté - et ce afin de baisser ses tarifs, comme c'est le cas des distributeurs d'énergie au Québec, tout en réduisant ses ventes liées à une consommation moindre de ces mêmes produits! Comme si ces deux aspects de la commercialisation de l'énergie n'étaient pas intimement liés. Cette vision des choses est bien sûr démentie par l'absence de cibles absolues sur la production et la consommation d'énergie (mesures d'efficacité énergétique). Tel que constaté avec le pétrole, on sait également que la consommation de l'énergie dépend en grande partie du coût de celui-ci.
Le rôle central de la Stratégie énergétique du Québec menacée?
De plus,
avec les décisions simultanées du MRNF de développer le pétrole et le
gaz de schiste au Québec, d'un côté, et d'éliminer l'Agence d'efficacité
énergétique, de l'autre, il semble difficile de croire qu'il n'y a pas
péril en la demeure pour ce qui devait constituer le centre de la stratégie énergétique du Québec 2006-2015.
L'efficacité énergétique est d'abord une responsabilité environnementale, d'où l'intérêt que ce soit le MDDEP qui s'en occupe. Ce faisant, l'efficacité énergétique sera considérée davantage comme un outil visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à développer des habitudes protégeant l'environnement. Promue efficacement, il s'agit de l'un des moyens les plus performants pour protéger l'environnement, en respect du principe des 3-RV (réduire, ré-utiliser, recycler, valoriser). Dans une optique de développement durable, le fait de réduire son utilisation d'énergie, par exemple, diminue d'autant le besoin d'en produire, que ce soit par la construction de nouvelles infrastructures énergétiques ou le maintien de celles-ci.
On peut atteindre une meilleure efficacité énergétique par une amélioration de la gestion énergétique des bâtiments ou des infrastructures, par exemple, mais l'emphase doit être également mise sur une sensibilisation continue et des outils pour qu'il y ait modification aux comportements énergivores.
L'efficacité énergétique au MDDEP
Or, le
MDDEP est particulièrement bien placé pour intégrer l'efficacité
énergétique : déjà impliqué dans plusieurs projets environnementaux avec
les municipalités, le MDDEP pourrait prendre également la
responsabilité de travailler avec les distributeurs d'énergie. Ce
partenariat pourrait se faire pour les plans de gestion en efficacité
énergétique de Gaz Métro, Enbridge en Outaouais (Gazifère) et
Hydro-Québec, mais également en renforçant la pression pour la mise en
place d'énergies renouvelables produites localement, dans un objectif de
diminuer la consommation d'énergie liée entre autres au transport.
Cette idée de " remaniement ministériel " n'est pas un simple jeu de mots circonstanciel alors que la ministre Line Beauchamp est transférée du MDDEP au ministère de l'Éducation et que celui-ci perd une leader ministérielle convaincue. Dans la situation actuelle, entre autres au MRNF, la tendance du gouvernement est au dangereux business as usual pro-combustibles fossiles et dans une optique toujours plus grande d'augmentation de la production énergétique. Pour le biogaz comme pour l'efficacité énergétique, on s'est trompé de vision pour construire le Québec de demain.
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