En route vers une nouvelle politique agricole dans l'Union Européene
Plate-forme :
- Pour une agriculture durable, offrant des revenus garantissant l’emploi agricole et produisant des produits de qualité accessibles à l’ensemble des consommateurs.
- Pour la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles.
- Pour un partenariat entre l’agriculture et toutes les composantes de la société.
1) Avant-propos
A travers cette Plate-Forme, les associations signataires formulent des propositions pour une profonde réorientation de la politique agricole européenne, afin de soutenir une agriculture diversifiée, respectueuse de la nature et de l’environnement, et offrant des produits de qualité pour l’ensemble des consommateurs. Cette réorientation influencera directement l'élargissement de l'Union Européenne (UE) aux Pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO) et les relations Nord-Sud.
Les signataires affirment en préalable que ce modèle d’agriculture n’est pas compatible avec le développement d’une agriculture de type industriel. Sans de nombreux paysans vivant sur des fermes à taille humaine, ces objectifs ne pourront être atteints.
La Plate-forme se concentre sur les aspects des politiques agricoles européennes qui conditionnent, à travers des dispositifs de gestion des marchés et des soutiens publics de diverses natures, la forme du développement agricole, la pérennité des exploitations, la qualité des produits, les modes de production et leurs impacts sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Cette proposition vise la refonte de la Politique Agricole Commune (PAC) adoptée à Berlin en 1999 dans le cadre de l’Agenda 2000. Le bilan à mi-étape de la PAC, prévu en 2002/2003 par l’accord de Berlin, doit lancer des signaux très clairs allant dans le sens de ces propositions.
Les signataires sont conscients que le monde agricole est également soumis à d’autres dispositifs et règles, nationaux ou communautaires, dont l’évolution est nécessaire pour réformer pleinement l’agriculture européenne : il s’agit par exemple du droit rural, de la législation vétérinaire, du bien-être des animaux ainsi que du droit environnemental, des politiques nationales d’installation de nouveaux paysans, etc. Ils formuleront ultérieurement des propositions pour de futures évolutions.
Synthèse
Les crises sanitaires qui se sont succédées ces dernières années (ESB, fièvre aphteuse, etc.) ont renforcé la prise de conscience des citoyens européens des impasses de la PAC.
Les objectifs assignés lors de sa création sont aujourd’hui dépassés : il ne faut plus viser en permanence l’augmentation de la productivité et la baisse constante des coûts de production, mais répondre aux demandes de la société en matière de qualité des produits agricoles (diversité, goûts, sécurité sanitaire), de protection de la nature et de l’environnement, de bien-être animal, et d’emploi agricole. De tels objectifs vont de pair avec un aménagement équilibré du territoire et la préservation d’un monde rural attractif et vivant.
Les revendications des organisations signataires sont les suivantes :
1. Organiser les marchés agricoles pour stopper la course à la production et améliorer la rémunération des paysans
Les organisations dénoncent les politiques de libéralisation des échanges agricoles développées pour répondre aux accords signés dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Aujourd'hui, preuve est faite que le marché ne peut à lui seul permettre l'éradication de la faim, la généralisation d’une agriculture de qualité ou la pérennisation et l’installation d’un nombre important d’agriculteurs. Les petits agriculteurs, au Sud comme au Nord, sont les premières victimes de prix agricoles maintenus artificiellement bas sur les marchés internationaux. C’est pourquoi les organisations signataires revendiquent :
* La reconnaissance et l’inscription dans les accords internationaux du principe de souveraineté alimentaire et du droit à la protection des agricultures pour l’ensemble des pays du monde.
* L’abandon par l’Union européenne de sa stratégie de conquête des marchés internationaux et de dumping économique afin de protéger la souveraineté alimentaire des pays, de mettre fin à l'exportation d'excédents préjudiciables aux petits agriculteurs du Sud, de stopper la dérive productiviste de l’agriculture européenne et de favoriser une meilleure rémunération des producteurs par la vente de leurs produits. Elle doit par conséquent abandonner ses subventions aux exportations, pérenniser et améliorer les instruments de maîtrise quantitative des productions existants (quotas laitiers notamment) et en instaurer de nouveaux pour les productions actuellement non maîtrisées (viandes, céréales, fruits et légumes, etc.).
* La reconnaissance pour les Etats et communautés d’Etats du droit d’appliquer des protections tarifaires et des référentiels qualitatifs pour les produits agricoles et alimentaires. Les Etats ou groupe d’Etats doivent pouvoir refuser l’importation de certains produits notamment en raison de modes de production contraires à la réglementation et à l'éthique locale, non respectueux des principes de précaution ou des droits des producteurs et des consommateurs (hormones, OGM, etc.). Une telle prise en compte des normes qualitatives pour les produits et les modes de production est vitale pour les producteurs et les consommateurs et doit donc être intégrée dans les traités de l’OMC.
2. Répartir et améliorer la distribution des soutiens publics, en privilégiant une agriculture "durable" sur les petites et moyennes exploitations
Les aides publiques à l’agriculture doivent soutenir les systèmes de production relevant d’une agriculture durable, la réorientation des productions intensives et privilégier les exploitations de petite et de moyenne dimension économique. De même, toutes les aides directes doivent être plafonnées par actif afin de ne pas encourager l’agrandissement et l’industrialisation des exploitations. Elles doivent aussi être conditionnées au respect de critères écologiques et sociaux, afin d’encourager ceux qui vont au delà des normes légales et qui créent ou maintiennent des emplois dans l’espace rural et dans des fermes à taille humaine.
Dans le cadre du règlement horizontal de la PAC, deux instruments doivent être privilégiés :
a. l’effort de modulation des aides doit être poursuivi selon le principe même d’équité sociale entre les exploitations agricoles européennes. Ainsi toutes les aides directes doivent être plafonnées, et ce de façon dégressive en fonction de la surface et du nombre d’actifs sur les exploitations. L’objectif de la modulation des aides est de freiner l’agrandissement et l’industrialisation des exploitations, pour permettre une meilleure répartition des crédits agricoles en faveur des petites et moyennes exploitations.
b. le principe d’éco-conditionnalité des aides doit être étendu d'une part à toutes les Organisations Communes de Marché (OCM), pour cibler les principaux enjeux environnementaux, et ce sans restriction, et d'autre part à des mesures et des pratiques spécifiques. Le non respect de la réglementation environnementale et sanitaire, et la non conformité avec les exigences environnementales requises par l’éco-conditionnalité, doivent être sanctionnés dans chaque Etat membre, par le retrait partiel ou total des aides directes, primes et crédits divers, quotas de production.
Enfin, les organisations demandent le remplacement de la prime au maïs ensilage par une prime fourragère unique ainsi que la mise en œuvre d’un programme d’action favorisant l’autonomie en protéine des exploitations européennes sachant que l'UE doit se battre pour imposer rapidement une protection suffisante à l'importation de l'ensemble des aliments du bétail. Ainsi pourra-t-on réparer le préjudice porté aux cultivateurs d’herbe et de légumineuses, et stopper le processus d’intensification et d’industrialisation des productions.
3. Améliorer le volet développement rural de la Politique Agricole Commune
Les organisations signataires ne sont pas favorables à la déconnexion nette des deux piliers de la PAC et au renforcement du second pilier au détriment du premier : c'est une approche intégrée et multifonctionnelle de l'agriculture qu'elles entendent promouvoir. Toutes les productions doivent être astreintes à une forte conditionnalité sociale et environnementale. En attendant, le volet développement rural de la PAC doit être mieux soutenu et clairement réorienté dans le sens d’un développement coordonné des espaces ruraux. Les objectifs et les instruments des politiques de développement rural doivent être réorientés dans le sens d’un véritable soutien à une agriculture durable et multifonctionnelle. La protection de l’emploi agricole doit prendre toute sa place dans les politiques de développement rural, au même titre que les politiques agri-environnementales et de celles visant l’amélioration de la qualité des produits. Les programmes du second pilier doivent être suffisamment adaptables pour intégrer les diversités régionales. Afin de respecter le principe de subsidiarité, il faut continuer à déléguer des compétences et des responsabilités de l’UE aux régions avec les financements pour la formation, l’information et l’animation rurale. Enfin, pour ne pas défavoriser les Etats les moins riches de l’Union européenne, la participation des Etats au co-financement du second pilier de la PAC doit être différenciée selon le degré de richesse des pays.
4. Organiser une évaluation de la totalité de la Politique Agricole Commune
Aujourd'hui seule la mise en œuvre des politiques de développement rural fait l'objet d'une évaluation régulière. Celle-ci doit être élargie à l'ensemble des subventions publiques afin de mesurer la totalité de leurs impacts sur les ressources naturelles et le monde agricole et rural.
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