par George Gao, IPS, à New-York, 04/03/13
Pour
les experts, l'agenda mondial pour le développement de l'après-2015 devra enfin
prendre en compte la question des violences faites aux femmes, qui sont à la
fois une cause et une conséquence de l'inégalité entre les sexes.
Comment remplacer au mieux les Objectifs du
millénaire pour le développement (OMD), qui arrivent à terme en 2015, et
définir un nouvel agenda du développement ? L'ONU a ouvert une
vaste consultation publique sur cette
question.
L'une des thématiques, celles des inégalités
hommes/femmes, était abordée à Copenhague en présence de centaines d'experts,
les 18 et 19 février, deux semaines avant la 57ème session de la Commission sur
le statut de la femme (
CSW 57), qui se tient
au siège de l'ONU à New-York, du 4 au 15 mars. La consultation a également reçu
175 contributions, synthétisées dans un rapport intitulé "
Addressing Inequalities".
Ce qui en ressort, c'est une multiplicité des
avis, voire une cacophonie. Mais ce n'est pas forcément un mal, jugent des
experts de l'ONU et membres d'ONG. " J'aime autant le chaos, car il peut
engendrer la créativité ", s'amuse Saraswathi Menon responsable d'ONU
Femmes
Les
barrières posées par la violence
A Copenhague, la question de la violence
contre les femmes et les filles %u2013 le sujet principal de la CSW 57 %u2013 était au
centre des discussions. Une question que les Objectifs du millénaire pour le
développement ne prennent pas en compte à ce jour. " Sept femmes sur dix
risquent d'être confrontées à la violence au cours de leur vie ", souligne
Lakshmi Puri, pour qui " l'omission de la violence contre les femmes dans
le cadre des OMD a été une grave lacune ".
Pour la directrice exécutive adjointe d'ONU
Femmes, " Mettre un terme à cette violence doit donc être une priorité
claire pour le cadre de développement post-2015. A la fois dans un but
d'égalité des sexes, en soi, mais aussi en tant que priorité à l'égard du
maintien de la paix et de la sécurité internationale ".
La violence de genre est un frein au
développement, souligne Kate McInturff, chercheuse au
Centre Canadien des Politiques Alternatives, en donnant
l'exemple de cette femme candidate aux législatives au Népal, et menacée
d'agression sexuelle devant sa propre maison. " On ne peut pas parler de
participation politique sans parler des barrières posées par la
violence ", souligne Kate McInturff. Elle évoque également les cas de
filles victimes de harcèlement sexuel à l'école, ou de violences sur le lieu de
travail. " La peur de la violence peut être exploitée pour en faire une
force de travail plus docile ".
La violence contre les femmes et les filles
est à la fois une cause et une conséquence de l'inégalité entre les sexes, fait
observer Zohra Moosa, membre d'Action Aid UK. " Cela crée de l'inégalité
en tant que moyen de contrôle social, en enfermant les femmes dans un rôle de
soumission. " Le harcèlement sexuel de rue, par exemple, réduit la
possibilité pour les femmes de se sentir libres d'arpenter leur ville,
explique-t-elle. Et cela peut aussi influer sur leur manière de s'habiller. Et
la violence de genre " est une conséquence de l'inégalité car elle est le
signe d'un déséquilibre des pouvoirs entre hommes et femmes ".
Normes
sociales
Les violences de genre sont plus marquées dans
des situations de conflit ou de sortie de conflit. Pour Dean Peacock, directeur
exécutif du Sonke Gender Justice Network en Afrique du Sud, c'est la
conséquence d'un " ensemble de facteurs : un sentiment d'impunité et
l'impossibilité pour l'Etat ou la société civile de mener une politique de
prévention ; et pour les hommes l'usage du viol et des violences sexuelles
comme moyen d'humilier [leurs opposants] et de montrer leur pouvoir à d'autres
groupes armés ".
Savitri Bisnath, directrice associés du Center
for Women's Global Leadership (CWGL) à l'Université Rutgers, souligne pour sa
part les conséquences néfastes d'une militarisation de la société :
" Les violences conjugales deviennent encore plus dangereuses quand des
armes sont présentes au domicile. Elles peuvent être utilisées pour menacer,
blesser, voire tuer des femmes ".
Zohra Moosa, d'Action Aid UK, note que les
femmes et les filles qui s'élèvent contre les violences en sont souvent
elles-même la cible à leur tour " car elles s'en prennent au statu
quo ". Elle souligne que des normes sociales contribuent à perpétuer les
violences contre les femmes et les filles. " Par exemple, il arrive que le
viol conjugal soir largement accepté, ou que le fait de frapper sa femme soit
considéré comme une prérogative, voire un devoir, du mari ".
" Si une majorité n'a pas le sentiment
que la violence contre les femmes est une mauvaise chose, ou pense que c'est la
faute des femmes, cela devient très difficile pour les victimes de témoigner et
chercher de l'aide ", poursuit Zohra Moosa.
Pas
d'excuse culturelle
Mais ces normes ne doivent pas être une excuse
pour ne pas agir, souligne Lakshmi Puri. " On considère trop souvent la
culture comme un contexte statique, uniforme, inamovible. Mais rien n'est plus
faux. La culture est dynamique, diverse et créative. " Et la responsable
d'ONU Femmes d'insister : " Il existe une reconnaissance
internationale du fait qu'aucune coutume, tradition ou pratique ne peut
justifier la moindre forme de violence contre les femmes ".
" Quand il existe un consensus
international sur un sujet précis, les gouvernements y sont plus sensibles.
Quand on observe les leçons du passé, on voit que les accords internationaux
ont tendance à mobiliser l'attention et les ressources sur le sujet qu'ils
traitent ", observe Savitri Bisnath.
Tout est question de ressources et
d'implication sur le terrain, insiste la chercheuse. " Pour un réel impact
sur les mentalités et les réalités sur le terrain, il faut des moyens
financiers concrets et des changements politiques et législatifs en accord avec
le contexte, ce qui implique la participation de la société concernée ".