La séquestration du carbone par les forêts est un facteur important de régulation du dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique. Les arbres sont en effet des « puits de carbone » : au cours de leur vie, ils absorbent de grandes quantités de CO2 qu’ils utilisent pour fabriquer, via la photosynthèse, de la matière végétale. Quand celle-ci meurt (feuilles qui tombent, arbres en fin de vie…), son carbone finit dans les sols. Ce processus piège donc, sous forme de matière organique, une partie du CO2 atmosphérique. À l’heure actuelle, les forêts tropicales constituent des puits de carbone particulièrement efficaces. On considère qu’elles stockent près de 40 % du carbone terrestre (en incluant à la fois biomasse végétale et sol). Le changement climatique en cours affectera-t-il ce rôle ? Si oui, comment ?
Effet du CO2 : changer de modèle
Les scientifiques qui ambitionnent de répondre à ces questions cherchent à prédire l’évolution des forêts tropicales en couplant deux types de modèles : des modèles climatiques et des modèles de dynamique de végétation. Les outils résultants, appelés « modèles du système Terre », sont basés sur l’évaluation de la réponse physiologique des végétaux aux changements environnementaux (concentration en CO2 atmosphérique, températures, précipitations...). La plupart d’entre eux indique qu’une augmentation de CO2 dans l’atmosphère a pour effet d’augmenter l’efficacité de la photosynthèse et la fixation du carbone. Cet « effet de fertilisation du CO2 » compenserait le ralentissement de croissance induit par la hausse des températures moyennes. Les forêts tropicales devraient donc résister au changement climatique, et continuer à être des puits de carbone au moins jusqu’en 2 100. Problème : l’effet de fertilisation du CO2 considéré dans ces modèles est sujet à débat. S’il a bien été observé dans le cadre de dispositifs expérimentaux en milieu tempéré, son existence en conditions naturelles, de surcroît dans les forêts tropicales, est discutable.
Pour cette raison, Ghislain Vieilledent, chercheur au Cirad, et ses collaborateurs ont choisi d’évaluer les effets du changement climatique sur les capacités de stockage des forêts tropicales de Madagascar via une autre approche : l’emploi de « modèles d’enveloppe bioclimatique ».
De puits de carbone à émetteurs de CO2
Plus simples que les modèles du système Terre, les modèles d’enveloppe bioclimatique s’appuient sur des hypothèses davantage écologiques qu’écophysiologiques pour expliquer l’évolution des stocks de carbone des forêts tropicales. Leurs prédictions indiquent que la diminution de la durée de la saison de végétation, l’augmentation de la température moyenne annuelle ( 3,7 °C) et la diminution des précipitations annuelles (-107 mm) pourraient conduire à une diminution de 17 % (certaines prédictions allant jusqu’à 24 %) du stock de carbone forestier d’ici à 2080. Ces modifications climatiques favoriseraient en effet les arbres et les espèces de plus petite taille, dont la capacité de stockage est moindre. L’étude identifie également des points de basculement : au-dessus d’une température moyenne annuelle de 21 °C et en-dessous de 1 100 mm de précipitations par an, le stock de carbone des forêts tropicales humides pourrait s’effondrer. Plus grave : ces résultats révèlent aussi que les forêts pourraient devenir émettrices de CO2, et contribuer ainsi à l’accélération du changement climatique. On assisterait alors à un emballement du phénomène. « Dans un monde toujours plus chaud et plus sec, il y a un risque que les forêts tropicales humides que nous connaissons aujourd’hui finissent par ressembler davantage à des savanes arborées qu’à des forêts impénétrables , conclut Ghislain Vieilledent. Il est donc essentiel non seulement de conserver les forêts tropicales, mais aussi de réduire au plus vite les émissions de CO2 à la source ».
Communiqué du Cirad
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Source : Cirad
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