LE SYSTEME DES ECHANGES DE QUOTAS DES EMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE / DIRECTIVE EUROPEENNE
« La Terre est brusquement prise de panique… De multiples changements climatiques et leurs conséquences météorologiques et écologiques sont catastrophiques pour l’Humanité… Le président des Etats-Unis s’adresse alors au monde entier : Nous pensions pouvoir exploiter toutes les ressources naturelles de notre planète sans en subir les conséquences […]
Nous avions tort. »
Cette réplique du film « le Jour d’après » exagère vraisemblablement le déroulement d’un futur lointain mais pose la problématique sur laquelle les dirigeants des plus grands pays ont débattu lorsqu’ils se sont réunis en décembre dernier à Buenos Aires : que faire pour inverser la tendance et rétablir à terme un équilibre plus sain pour la planète ?
Si cette prise de conscience émerge depuis plus d’une dizaine d’années, la signature du protocole d’accord de Kyoto (ratifié en Décembre 1997 par les négociateurs des 180 Etats adhérents à la Convention Cadre sur les Changements Climatiques) a défini des mesures concrètes. En effet, la dernière directive européenne 2004/101 du 27 Octobre 2004 pose les conditions des émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés. Elle sera réellement applicable à partir du mois de Février 2005 - soit cinq ans après les premières négociations - .
A première vue, il est difficile de saisir toutes les modalités de cette directive et d’en comprendre l’ensemble des termes techniques. Que faut-il donc retenir de cette directive ? Quels en sont ses aspects principaux ? Sera-t-elle réellement efficace pour combattre les pollueurs de la planète ?
Un premier rappel succinct permettra de mieux appréhender le sujet : Qu’est ce qu’un gaz à effet de serre ?
« Une couche de gaz dans l'atmosphère retient la chaleur du soleil, ce qui maintient une température moyenne de 15°C à la surface du globe, qui sans elle attendrait presque -20°C. La vapeur d'eau est le premier de ces gaz, dits à "effet de serre", mais l'homme n'a que peu d'influence sur sa concentration dans l'atmosphère. En revanche, l'augmentation d'autres gaz est directement liée à son action : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), oxyde nitreux (N2O) et l'ozone (O3), ainsi que des gaz artificiels dus à l'industrie comme les halo carbures. »
Source : Benjamin Van Bockstaël « Chaud devant » Radio France 2004
Le constat :
Le 20ème siècle a été le plus destructeur en terme de réchauffement planétaire. Aujourd’hui, l’augmentation des émissions de gaz dont le gaz carbonique « explose » lorsque nous comparons les chiffres :
La Chine a rejeté 24 millions de tonnes (échelle en tonne pour mieux apprécier les comparaisons), soit une évolution positive de 16% en 15 ans et devient ainsi le deuxième pollueur mondial (13,6% des émissions mondiales). L’Europe se cantonne à une augmentation de 3% sur la même période mais reste le bon élève face à l’Amérique du Nord et l’Asie.
L’usage prépondérant des gaz provenant des industries et des cités urbanisées, l’utilisation du charbon, du pétrole, des engrais et produits chimiques dans l’agriculture menacent très sérieusement la bonne santé de notre planète et altèrent la régulation de l’effet de serre.
Sources : article de presse sur voila.fr du 07/12/2004 ; article « Les Echos » du 02/12/2004
La directive 2004/101/CE du 27 Octobre :
Cette directive européenne énonce la manière de « favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes ».
En réalité, elle modifie une directive créée en 2003 (directive 2003/87) avec objectif de « réduire les émissions de gaz d’environ 70% par rapport aux chiffres de 1990 ». Elles s’inscrivent toutes les deux dans le cadre du protocole d’accord de Kyoto de 1997 et reprend les engagements des pays signataires. Ce texte évoque la mise en place au niveau communautaire d’ « un système d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre » adopté pour « accroître le rapport coût – efficacité des réductions des gaz ».
Pour cela, chaque pays devra désigner « les activités de projet qui […] coïncident avec une volonté d’intégrité de l’environnement » et ainsi encourager les entreprises volontaires à mettre en place une « responsabilité sociale et environnementale ». Ce système communautaire allège ainsi les efforts fournis par chaque pays et permet aux signataires de respecter les délais prévus pour inverser le bouleversement écologique évoqué à Kyoto.
Les REC et UEC : Quésaco ?
La directive permet d’encadrer le premier système d’échanges de quotas au sein de la communauté européenne : chaque participant se voit donc attribuer un pourcentage de quotas (dans le cadre du plan d’allocation), qu’il pourra échanger dans le cadre d’activités de projet. C'est-à-dire acheter ou vendre des quotas d’émissions de gaz à effet de serre par un intermédiaire financier. Ces quotas sont alors échangés en Unité de Réduction des Emissions ou Réduction des Emissions Certifiées.
Exemple : Si un industriel français veut pouvoir utiliser des produits polluants afin de produire plus qu’il ne doit, il aura dépassé une limite d’émission de gaz fixée préalablement par l’Etat. Afin de ne pas le bloquer dans sa production, il va devoir échanger des UEC ou REC avec d’autres industriels européens qui n’ont pas utilisé tout leur quota d’émissions.
La directive concerne quelques 12000 sites industriels européens répartis dans huit secteurs : production d’énergie, la sidérurgie, le ciment, la chaux, la céramique, le verre, le papier, et celui des tuiles et briques. Il est toutefois spécifié que les installations nucléaires et les activités de la foresterie et des terres ne sont pas incluses dans ce texte.
Mise en Oeuvre Conjointe et Mécanisme de Développement Propre : comment se donner bonne conscience…
Les industriels ont la possibilité de participer à des créations de fonds d’investissements dans d’autres pays au sein de la communauté ou dans des pays en voie de développement. En donnant des capitaux à ces fonds étrangers, ceux-ci espèrent obtenir à terme un retour sur investissement important, non pas en liquidité monétaire, mais en crédit d’émissions.
Ainsi, l’industriel aura contribué à la réduction de pollution de l’air chez son voisin et pourra utiliser des crédits d’émissions - produire plus - chez lui…
Le contrôle, le suivi et l’accès à l’information des mécanismes sont également exprimés : c’est à l’Etat membre de « prendre toutes les mesures nécessaires pour que les niveaux établis soient parfaitement compatibles avec les orientations prévues et adoptées ». Des rapports internes seront rédigés et envoyés à une commission européenne, des audits concernant les fonds d’investissement seront mis en place, et le public aura aussi la possibilité de vérifier la transparence du circuit de l’argent versé et des crédits d’émissions accordés. La mise en application de cette directive a pour date-butoir le 13 novembre 2005.
Cette directive souhaite encadrer et réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau européen.
Si personne ne peut s’opposer à cette décision, il faut reconnaître cependant les critiques naissantes suite à cette publication. Tout d’abord, les secteurs définis dans ce texte ne rassemblent pas les activités les plus polluantes, comme par exemple le transport. La copie est donc à revoir et le nombre des acteurs impliqués dans l’échange des quotas devra être généralisé très rapidement. Les écologistes voient même dans cette directive un droit à polluer. Il faut néanmoins reconnaître l’effort consenti par la Communauté Européenne la mise en place de ce système dans une période économiquement incertaine pour permettre ainsi d’évaluer des investissements à long terme.
Il faut tout de même constater par exemple l’avance de certains industriels français régis par l’AERES. Comptant pour 60% des industries nationales, ils ont atteint un niveau d’émission de 118 millions de tonnes en 2004, soit 8% de mieux que l’objectif annuel à atteindre avant 2012.
Les sociétés françaises comme EDF, Lafarge, La Poste et St Gobain font désormais office de leaders sur la voie de l’éthique sociale et de la responsabilité environnementale. Leur position, difficile à tenir face à des concurrents toujours plus pollueurs, se doit d’être irréprochable, tant dans leur politique d’investissement en matière de production que dans la communication et la transparence des chiffres publiés. La récompense étant d’être reconnue « entreprise éco – responsable ».
Un grand contestataire, le premier pollueur mondial, n’avait pas signé le protocole d’accord de Kyoto. La dernière conférence internationale de Buenos Aires a confirmé le scepticisme des pays sous développés et des Etats-Unis à se soumettre aux obligations du protocole. Ils souhaitent continuer leurs politiques environnementales uniquement sur un plan national. Comme la Chine aujourd’hui, les pays en forte croissance économique comme l’Inde ou l’Arabie Saoudite, feront partie dans les vingt ans à venir des pays les plus pollueurs, et ce, à une échelle dont les conséquences seront sûrement plus néfastes que l’ère industrielle du 19 et 20ème siècle.
Pour que les évènements terribles et tellement réalistes visibles dans les films américains ne se produisent pas un jour sur notre Terre, il faudrait enfin que nos dirigeants prennent conscience de leur responsabilité, environnementale en tout cas, dans le changement climatique qui s’annonce.
Thierry Labbé
APGE 16 école IGS Paris
Sources et Bibliographie :
Sire http://www.legifrance.gouv.fr
Site http://www.eea.eu.int
Site http://www.agora21.org
Site http://www.edf.fr
Site http://www.lafarge.com
1er rapport développement durable de La Poste disponible sur www.laposte.fr
Hors série n°63 d’Alternatives Economiques « le développement durable »
Livre « Combattre l’effet de serre nous mettra-t-il sur la paille ? » (Roger Guesnerie , éd Le Pommier, 2003)
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