3 février 2010, le cyclone tropical Oli passe au large des Iles
Sous-le-vent, dans l'ouest de Tahiti. Les îles de Bora Bora,
Raiatea-Tahaa, Huahine et Maupiti subissent une houle de 6 à 7 mètres et
des vents de 170 km/heure en rafales. Le soir du 3 et le 4 février,
c'est au tour de Tahiti et Moorea (Iles du Vent) puis l'île de Tubuai
(Iles Australes) de subir ses effets avec des vents moyens de 210
km/heure. Quatre jours plus tard, le temps de remettre en état les
installations, le service d'observation du CRIOBE (INEE - INSU du CNRS) mesure les effets du cyclone après son passage sur les deux sites de
référence de la côte nord de Moorea. Les résultats sont sans appel : le
cyclone Oli a raboté les peuplements coralliens et porté le coup de
grâce à un récif déjà fragilisé. En effet, Acanthaster, une étoile de
mer prédatrice du corail, avait déjà décimé les populations de coraux
des pentes externes de Moorea. Aussi préoccupant que cela puisse
être, la structure physique des récifs, et en particulier celle de la
pente externe (zone la plus propice à la croissance de ces récifs grâce à
une bonne oxygénation de l'eau), avait néanmoins été peu affectée car
les squelettes des colonies mortes étaient encore en place, suggérant
une possible reprise.
Mais après le passage du cyclone, la
structure physique des pentes externes de Moorea (en particulier celle
de la côte nord) a gravement et durablement été affectée. La comparaison
des données avant et après le passage du cyclone met en évidence une
diminution très significative du relief de la pente externe : les
indices de rugosité (linéaire de récif développé/linéaire de récif plat)
ont baissé de près de 50 % à toutes les profondeurs, jusqu'à 30 mètres,
comme le montrent les tests statistiques effectués sur les sites
étudiés. Un grand nombre de colonies en place, même mortes suite à la
prédation par les Acanthaster ont été détachées par la houle et cassées
par des blocs. Cette fois c'est la structure tridimensionnelle du récif
qui a été touchée : or elle conditionne l'habitat d'une grande partie de
la faune associée aux coraux dont de nombreuses espèces de poissons.
Les
destructions sont variables en fonction de la profondeur. On observe
ainsi :
- de 0 à 6 mètres de profondeur : un état de destruction
critique. La majorité des colonies éparses en vie ont été brisées à la
base. La zone est totalement recouverte d'un feutrage d'algues fin de
couleur jaune clair indiquant un début de " bloom algal " (une
augmentation relativement rapide de la concentration d'algues). Le
pourcentage de recouvrement en corail vivant est nul.
- de 6 à 10
mètres de profondeur : de nombreuses colonies branchues vivantes sont
abîmées mais leur base est encore en place, ce qui laisse supposer une
reprise possible.
- de 10 à 15 mètres de profondeur : les contreforts
de cette zone sont en état de destruction critique. Les colonies
massives et branchues (en grande majorité déjà mortes suite à l'épisode
Acanthaster mais encore en place avant le cyclone) ne sont plus visibles
mais aucun recouvrement algal n'est observable.
- de 15 à 30 mètres
de profondeur : elle est anormalement recouverte de débris coralliens
de petite taille (moyenne 5 cm).
- outre le corail, les peuplements
associés de poissons, de mollusques et d'oursins ont également beaucoup
souffert. Ainsi, de nombreux coquillages sont en état de décomposition
entre 6 mètres de profondeur et la surface.