L'hypersensibilité environnementale, vous connaissez ? Au-delà de l'intolérance ou de l'allergie, certaines personnes sont gravement affectées par des substances ou des facteurs environnementaux - produits parfumés, produits de nettoyage, peintures, pesticides, solvants, radiations électromagnétiques, moisissures, nourriture ou additifs - sans que la médecine ne parvienne à poser un diagnostic et à soulager leurs douleurs. Cette condition encore méconnue peut provoquer des réactions affectant le système nerveux, les yeux, la peau, les appareils respiratoire, digestif, locomoteur, cardiovasculaire ou génito-urinaire.
"L'Association pour la santé environnementale du Québec (ASEQ), qui aide les personnes dont la santé a été compromise par des facteurs environnementaux, a approché le Service aux collectivités de l'UQAM afin de profiter de notre expertise, car elle ne peut plus répondre aux nombreuses demandes d'information et de soutien qu'elle reçoit", explique Rachel Cox. L'avocate, professeure au Département des sciences juridiques, entreprend cet automne un projet de recherche intitulé "L'hypersensibilité environnementale : comment gérer cette condition ? Formation sur les dimensions biologiques et juridiques", en collaboration avec Lise Parent, professeure en science et technologie à la Télé-Université.
"Il s'agit de comprendre l'hypersensibilité environnementale et les droits qui s'y rattachent, pour ensuite mettre sur pied une formation et des outils pédagogiques destinés aux formateurs de l'ASEQ, explique Lise Parent. Ceux-ci pourront ensuite répondre adéquatement aux demandes concernant l'hypersensibilité environnementale et former à leur tour d'autres intervenants."
Financé par le Fonds des services aux collectivités du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, leur projet de recherche pose des défis particuliers. "Où et comment allons-nous donner les formations ? demande Lise Parent. Nous nous adressons à des gens hypersensibles, alors l'utilisation de Wi-Fi, de colle ou d'encre peut causer problème. Il faudra être méticuleux."
Des symptômes bien réelsEt pour cause : lors d'une conférence sur les hypersensibilités environnementales, présentée le printemps dernier dans un hôtel de Montréal, une femme s'est présentée devant la professeure Lise Parent. "Elle ne sentait plus la moitié de son corps en raison des téléphones cellulaires demeurés allumés et du système de traduction simultané par Wi-Fi, raconte la chercheuse. J'ai aussi vu des gens nous rendre visite dans nos locaux avec des plaques rouges sur tout le corps. Ce n'est pas irréel comme condition!"
L'hypersensibilité environnementale n'est toutefois pas encore reconnue comme une maladie au Québec. "L'hypersensibilité défie le modèle biomédical auquel le droit traditionnel est habitué. Il n'est pas possible de mesurer dans le sang ou dans l'urine une relation de cause à effet entre l'environnement et les symptômes ressentis, explique Rachel Cox. Le médecin ne peut donc pas poser un diagnostic et indiquer un traitement à suivre."
Pourtant, certains pays, comme l'Allemagne, et même certaines provinces canadiennes, comme l'Ontario et la Nouvelle-Écosse, reconnaissent cette condition. En Nouvelle-Écosse, on trouve même un centre de traitement.
La Commission canadienne des droits de la personne a aussi reconnu l'hypersensibilité environnementale comme un handicap, mais le droit du travail y est encore réfractaire. "Souvent, les régimes d'assurance ne veulent pas payer pour des absences liées à l'hypersensibilité environnementale, car il n'y a aucune preuve médicale tangible de cette condition", explique l'avocate.
Plusieurs personnes souffrant d'hypersensibilité environnementale ne peuvent tout simplement plus travailler. " On est porté à croire qu'il s'agit d'un problème psychologique et non physique, mais c'est peut-être l'inverse qui se produit, spécifie Lise Parent. Il est possible que ce soit le corps qui se détraque et qui entraîne une détresse chez les gens."
L'espoir réside du côté des droits de la personne, croit Rachel Cox. "Le modèle social de l'incapacité se préoccupe moins du diagnostic, explique-t-elle. Un jour, les symptômes de l'hypersensibilité environnementale seront reconnus et cela sera suffisant pour rendre des décisions favorables à ceux qui en souffrent."
La pointe de l'icebergLes deux chercheuses comparent la situation des personnes souffrant d'hypersensibilité environnementale au canari dans les mines de charbon d'autrefois. La réaction de ces personnes, plus sensibles, devrait peut-être nous amener à nous préoccuper davantage de notre environnement. "Ce n'est que la pointe de l'iceberg. La multiplication des produits chimiques nous affecte tous, même si nous ne réagissons pas de façon aussi marquée. Cela laisse présager qu'il existe peut-être d'autres maladies que l'on ne connaît pas et qui apparaîtront dans une ou deux générations", conclut Lise Parent.
Source : Journal L'UQAM, vol. XXXVIII, no 5 (31 octobre 2011)
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