Mediaterre

   

"Dieu veut que nous vivions dans un jardin, pas dans un désert"


Le plan de l'Union européenne (UE) visant à sauver le Protocole de Kyoto, peut être confronté à son plus grand obstacle dans le monde en développement. 

Abias Huongo, l'un des négociateurs pour l'Angola, affirme que les blocs de pays en développement dont il fait partie - y compris les groupes d'Afrique et des pays les moins avancés - ne sont pas encore capables d'exprimer leur soutien pour un accord mondial juridiquement contraignant. 

"Nos partenaires ont besoin d'assumer leurs responsabilités, et ils fuient leurs engagements", a-t-il déclaré à IPS le premier jour de la 17ème Conférence des parties (COP 17) des Nations Unies - la réunion annuelle internationale convoquée à Durban, en Afrique du Sud, pour essayer de faire des progrès dans la lutte contre les changements climatiques. 

Dans une conférence préliminaire, la délégation de l'UE - considérée comme la plus enthousiaste au sujet d'une deuxième période d'engagement - a souligné qu'elle n'était pas disposée à s'engager à moins que le reste du monde ait convenu d'un accord climatique mondial. 

"Le problème est que Kyoto seul ne peut pas s'attaquer aux défis climatiques auxquels nous sommes tous confrontés", a souligné Tomasz Chruszczow, un membre de la délégation. "Nous voulons que ce cadre et 100 pour cent de ceux qui en émettent couvrent 100 pour cent des émissions mondiales". 

L'UE veut voir un accord finalisé d'ici à 2015, et opérationnel d'ici à 2020 au plus tard. 

Durban représente un point crucial de prise de décisions pour la lutte mondiale contre les changements climatiques - que plusieurs organisations de la société civile et des nations en développement considèrent comme une question de vie ou de mort. 

"Les choses semblent toujours impossibles jusqu'à ce qu'elles soient faites". Ces mots de Nelson Mandela ont été repris par Christiana Figueres, responsable des affaires climatiques à l'ONU, à la plénière d'ouverture de la COP 17. 

Dans les années précédentes, les COP ont été en proie à la frustration, la méfiance et au désespoir. Mais les négociations de l'année dernière à Cancun ont réussi à alléger une partie du fardeau de la déception post-Copenhague. 

Cette année, plus de 15.000 délégués sont arrivés sur la côte d'Afrique du Sud un peu plus optimistes sur des possibilités. Mais avec cet espoir, vient la responsabilité. 

La première période d'engagement du Protocole de Kyoto prend fin en décembre 2012, et en l'absence de nouveaux engagements des pays développés, le monde sera laissé dépourvu de tout cadre juridiquement contraignant sur les émissions. 

Les pays en développement veulent que Kyoto réussisse, a indiqué Huongo. 

"Nous sommes en Afrique, et nous ne voulons pas qu'il meure sur notre continent", a-t-il ajouté. 

Il a affirmé qu'il y aurait des discussions autour d'un nouvel accord juridiquement contraignant, mais que les issues restent opaques. 

Huongo a déclaré à IPS que le monde développé doit être également plus souple avec ses exigences financières pour améliorer l'accès au financement climatique pour les pays qui en ont le plus besoin. Il a indiqué que l'Angola a aussi besoin d'aide au renforcement des capacités pour combattre ses vulnérabilités. 

Déjà, plusieurs pays - y compris le Japon, la Russie et le Canada - ont exprimé leur réticence à signer une seconde fois l'accord. Les médias nationaux indiquent que le Canada se prépare à annoncer son retrait de l'accord après que les négociations de la COP 17 ont été accueillies avec consternation. 

Alden Meyer, de la 'Union of Concerned Scientists' (Union des scientifiques préoccupés), affirme que "ce serait la troisième gifle que le Canada aurait donnée dans le visage de la communauté internationale", après être revenu sur les tentatives de respecter ses engagements, et après avoir proposé de faibles objectifs sur les émissions à Copenhague. 

Meyer souligne que le Canada tente d'éviter le contrôle minutieux et la critique dont il ferait objet s'il quittait le Protocole de Kyoto à la COP 17, et agit de mauvaise foi en continuant de participer aux négociations. 

La fracture entre pays développés et pays en développement est très bien vivante et active. Le président sud-africain, Jacob Zuma, a fait allusion à la situation des pays en développement dans son allocution lors de la cérémonie d'ouverture, exhortant les négociateurs à s'efforcer de trouver des solutions. Mais des groupes de la société civile, notamment 'Greenpeace' et 'Oxfam International', ont dit qu'ils étaient mécontents du manque d'ambition qu'il a exprimée. 

Des groupes de différentes confessions religieuses se sont réunis à la veille des négociations dans un stade proche, pour prier pour des issues concrètes, équitables et équilibrées des négociations. Ils ont été rejoints par l'archevêque émérite Desmond Tutu, qui a demandé au monde de se préparer pour la bataille contre le réchauffement climatique. 

Tutu a critiqué les pays qui refusent de signer le Protocole de Kyoto. "Dieu veut que nous vivions dans un jardin, pas dans un désert", a-t-il déclaré à la foule. 

Figueres a rejoint Tutu en s'adressant à la foule, promettant des progrès. "Quoiqu'il arrive à Durban, ce sera un pas en avant", a-t-elle dit. "Mais souvenons-nous que ce n'est qu'une étape... Il y aura une autre COP, et encore une autre. C'est un long processus". 

Cette responsable des questions climatiques à l'ONU a souligné l'importance de regarder au-delà du Protocole de Kyoto au cours des négociations, indiquant la nécessité d'opérationnaliser certaines parties des Accords de Cancun. 

Parmi les issues concrètes possibles attendues de Durban, figure la finalisation de la structure d'un Fonds vert pour le climat - un mécanisme qui gèrera et rendra compte du fonds pour le climat, y compris les 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020, promis par les pays développés pour les mesures d'adaptation et d'atténuation dans les nations en développement. 

Figueres croit que la réalisation des progrès avec le Cadre d'adaptation, également convenu à Cancun, et l'amélioration des mécanismes de transfert de technologie - qui permettront aux pays pauvres de devenir plus résistants aux assauts des phénomènes météorologiques imprévisibles et extrêmes - sont aussi faisables. 

A la veille des négociations, une pluie exceptionnellement forte a inondé certaines parties de Durban, et entraîné la mort d'au moins six personnes - un prélude tragique, mais peut-être approprié pour deux semaines de discussions sur les changements climatiques. 

C'est un message que les pays en développement veulent s'assurer que leurs homologues plus riches entendent: "Nous sommes ceux qui souffrent". 

article signé par Nastasya Tay pour l'agence IPS


( COP17-climat ) 

Partagez
Donnez votre avis

Conception & Réalisation : CIRIDD - © 2002-2024 Médiaterre V4.0