A Paris, les catégories sociales, les tranches d'âges, les métiers, les origines ethniques se côtoient, se croisent, se rencontrent. Les lignes de partage de la société s'inscrivent dans la vie, mais les échanges sont incessants.
Sans être en mesure de situer immédiatement tous les arrondissements les uns par rapport aux autres, les Parisiens les identifient par leur numéro, évocateur d'un milieu social, de monuments, d'activités. Ils en maîtrisent parfaitement la symbolique sociale : résider dans le 7e ou dans le 19e n'a pas le même sens. Car Paris oppose ses beaux quartiers de l'ouest aux quartiers populaires de l'est.
La cartographie est certainement l'outil le plus pertinent pour représenter le Paris des inégalités. Inspirés des recherches menées par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charot, voici nos résultats cartographiques.
Paris est la capitale de la très grande richesse. A l'échelon national, la capitale rassemble 16,1 % des assujettis à l'ISF, mais seulement 4 % des foyers fiscaux [Ministère de l'Economie et des Finances, 2008]. En 2006, "Paris Ouest", où le ministère regroupe les 7e, 15e et 16e arrondissements, compte 32 261 assujettis, soit 44 % du total parisien.
Le Paris des pauvres n'en demeure pas moins. Toutes les statistiques sur la pauvreté, la misère et l'exclusion situent Paris dans le haut du tableau. Un foyer parisien sur huit est pauvre au sens où il vit sous le seuil de pauvreté définit par l'INSEE. La répartition des catégories sociales modestes dans l'espace parisien revêt la forme d'un croissant, allant du nord-ouest au sud-est. La présence populaire est plus nette au nord et surtout à l'est.
Ainsi au Paris de l'ouest, bourgeois et confortable, s'oppose un Paris de l'est, beaucoup plus populaire.
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Les résultats des recensements sont sans ambiguïté : de 1954 à 1999 le pourcentage des employés et des ouvriers, dans l'ensemble de la population active résidant à Paris, a diminué de 65 % à 35 %, alors que celui des professions intermédiaires et supérieures augmentait de 19 % à 58,5 %.
La surreprésentation des cadres à Paris s'est accélérée. Cela n'est pas tellement dû aux beaux quartiers, où le taux de cadres était déjà assez élevé, mais aux quartiers à dominante populaire relative, où leur taux doublent et tendent à mettre sur un pied d'égalité les quartiers de à l'ouest avec les arrondissements du centre. En revanche, compte tenu du poids élevé des catégories populaires dans le nord-est, la structure en croissant reste visible. Mais à ce rythme, les différences pourraient bien s'atténuer à brève échéance.
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En 2007, les arrondissements où le taux d'étrangers est supérieur à la moyenne peuvent se répartir en trois groupes : de façon attendue, les arrondissements populaires du nord-est (18e, 19e et 20e), les arrondissements du centre et de l'est (2e, 3e, 10e et 11e) et, paradoxalement, deux des arrondissements les plus chics, le 8e et le 16e.
Le taux assez élevé d'étrangers dans le 8e et le 16e arrondissements correspond à une composition spécifique de cette population. On y trouve 20,5 % de "cadres et professions intellectuelles supérieures", cette catégorie ne représentant que 9,8 % des actifs étrangers dans le 18e. En outre, la composition des étrangers par nationalité n'est pas la même : dans le 8e arrondissement, les ressortissants de l'Union Européenne représentent 57,4 % de la population totale étrangère, et 19 % dans le 18e.
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En 1991 et 2007, les prix immobiliers ont plus que doublé pour les appartements ayant plus de cinq ans. Le mètre carré est passé de 3 142 € à 6 464 €. Le taux d'augmentation oscille de 50 % à 144 % : mais le chiffre le plus bas concerne le 16e arrondissement, l'un des plus chers de la capitale. En revanche les prix ont augmenté de 120 % dans le coeur de Paris anciennement populaire. L' "embourgeoisement" de Paris a pour cadre les anciens quartiers ouvriers de l'est.
Néanmoins, la présence massive du logement aidé à l'est laisse penser qu'une transformation sociale reste assez limitée. L'existence de ce marché immobilier spécifique et de ces poches de pauvreté constitue un obstacle aux processus de gentrification.
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La cartographie de la part des élèves dans le privé confirme une corrélation entre niveau de vie et éducation. Les parts les plus importantes se trouvant comme attendu dans l'ouest parisien.
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Le croissant populaire de l'est est reconstitué par la disposition en arc de cercle des arrondissements où le Parti socialiste et ses alliés ont été majoritaires en 2001 et 2008. Ce croissant tend à s'épaissir en étendant son emprise sur un centre qui changea souvent de mains, comme le Marais (4e arrondissement). La géographie électorale vient confirmer la présence d'une véritable fracture sociale et politique qui oppose l'ouest à l'est.
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Textes en partie extraits et inspirés de l'ouvrage Sociologie de Paris de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.
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