Cet article a été co-rédigé avec Monique Henry du CEGEP de St-Laurent (Québec).
Certains polluants particulièrement préoccupants sont désignés maintenant dans le monde entier sous l'appellation de " Polluants Organiques Persistants (POP) " mais, à l'origine (2001), à Stockholm, on ciblait les "douze salopards" (la dirty dozen) qui comprenaient : l'aldrine, le chlordane, la dieldrine, l'endrine, le DDT, l'heptachlore, l'hexachlorobenzène, le mirex, le toxaphène, les polychlorobiphényles (PCB), les dioxines (PCDD) et les furanes (PCDF).
En fait, depuis 2009, ils sont maintenant 21 POPs sous haute surveillance internationale et ce nombre risque d'augmenter!
Cette classe de composés chimiques qui, on le voit, comprend notamment des pesticides organochlorés, est caractérisée par les quatre propriétés suivantes :
a)Persistance : ils sont peu ou carrément non biodégradables et peuvent donc subsister plusieurs années et même plusieurs décennies...
b)Toxicité : ils présentent de graves risques pour la santé humaine et pour celle des écosystèmes et des espèces sauvages; certains sont des perturbateurs endocriniens reconnus.
c)Bioaccumulation : leur caractère persistant entraîne leur accumulation dans les tissus des organismes vivants (en particulier dans les graisses) et cette concentration augmente en remontant la chaîne alimentaire (poissons, oiseaux, mammifères, hommes...).
d)Transport possible sur de longues distances : étant donné leur durée de vie et leur résistance, ils peuvent être transportés très loin de leur lieux d'émission, souvent dans le sens sud-nord. Leur distribution dépend donc des conditions environnementales et les changements climatiques peuvent modifier les voies de transport. Certains polluants font ainsi le tour du monde, descendent vers les océans, s'évaporent dans l'atmosphère, voyagent et se reconcentrent dans des régions plus froides (effet "sauterelle").
Depuis 2009, neuf POPs - pesticides ou produits ignifuges - se sont ajoutés à la liste initiale : l'hexabromobiphényle, le penta- et l'hexachlorobenzène, l'alpha- et le bétahexachlorocyclohexane, des bromodiphényléthers, le chlordécone , le lindane, l'acide perfluoro-octanesulfonique et ses sels (PFOS), ainsi que le fluorure de perfluoro-octanesulfonyle.
Toutes ces substances ont deux origines principales :
-la fabrication intentionnelle de produits chimiques, en particulier, celle des pesticides et des PCB; ces derniers sont encore présents dans certains transformateurs électriques mais aussi dans les sites d'enfouissement ou les décharges non contrôlées...
-la production non-intentionnelle, en particulier par combustion du bois et du charbon et la combustion dans les incinérateurs d'ordures ménagères ou de déchets médicaux; ces contaminants sont également émis lors des éruptions volcaniques et des feux de forêt. Les dérivés chlorés résultent de combustion en présence de chlore provenant de solvants chlorés, de décapants, de PVC, de chlorures de vinylidène (pellicule d'emballage), etc. Cette deuxième origine concerne principalement les dioxines et les furanes.
La toxicité et le transport transfrontalier possible de ces POPs dans des régions où ils ne sont ni utilisés ni produits ont amené la communauté internationale à s'en préoccuper et à proposer des mesures urgentes - dont l'interdiction - à appliquer à l'échelle mondiale.
C'est ainsi que plus de cent cinquante pays (ou, plus généralement, des "Parties") ont signé la "Convention de Stockholm" qui vise le contrôle de la production, de l'importation, de l'exportation, de l'utilisation et de l'élimination de ces substances et ils se sont ainsi engagés à adopter une série de mesures spécifiques pour parvenir à ce but.
En fait, la Convention distingue:
-les POPs produits intentionnellement (les dix premiers, utilisés comme pesticides et présentés dans les Annexes A et B du texte de la Convention);
- les POPs produits de manière non intentionnelle (dioxines et furanes - Annexe C);
- les POPs contenus dans des stocks et des déchets.
- À l'Annexe A se trouvent les substances frappées d'interdiction même si certaines "dérogations" existent soit pour la production soit pour l'utilisation quand elles sont jugées acceptables sous certaines conditions; ainsi, par exemple, la production de l'heptachlore est interdite mais il peut encore être utilisé en traitement du bois comme termiticide.
- À l'Annexe B, figure le DDT qui jouit d'une dérogation pour la production et l'utilisation limitée dans la lutte antivectorielle.
À titre d'exemple, citons l'Article 3 de la Convention qui concerne les "Mesures propres à réduire ou éliminer les rejets résultant d'une production et d'une utilisation intentionnelles " :
1. Chaque Partie :
a)Interdit et/ou prend les mesures juridiques et administratives qui s'imposent pour éliminer :
i)La production et l'utilisation des substances chimiques inscrites à l'annexe A,
ii)L'importation et l'exportation des substances chimiques inscrites à l'annexe A,
b)Limite la production et l'utilisation des substances chimiques inscrites à l'annexe B, conformément aux dispositions de ladite annexe.
La Convention prévoit l'arrêt de l'importation et de l'exportation des POPs interdits. Cependant, là encore, des exemptions s'appliquent par exemple pour l'exportation en vue d'une élimination "écologiquement rationnelle" ou vers un État non signataire de la Convention...
-Pour les substances de l'annexe C, produites involontairement, les Parties doivent avoir recours aux "Meilleures Techniques Disponibles" (MTD) et aux "Meilleures Pratiques Environnementales" (MPE) pour réduire les rejets non-intentionnels des POPs visés.
L'article 7 (Plans de mise en oeuvre) stipule les obligations des Parties :
1)Chaque Partie :
a)élabore et s'efforce de mettre en oeuvre un plan pour s'acquitter de ses obligations en vertu de la présente Convention;
b)transmet son plan de mise en oeuvre à la Conférence des Parties dans un délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la Convention à son égard;
c)examine et actualise, le cas échéant, son plan de mise en oeuvre à intervalles réguliers et selon des modalités à spécifier par la Conférence des Parties dans une décision à cet effet.
2)Les Parties coopèrent, selon qu'il convient, directement ou par l'intermédiaire d'organisations mondiales, régionales et sous-régionales, et consultent leurs parties prenantes nationales, notamment les associations féminines et les organisations oeuvrant dans le domaine de la santé des enfants, afin de faciliter l'élaboration, l'application et l'actualisation de leurs plans de mise en oeuvre.
3)Les Parties s'efforcent d'utiliser et, si nécessaire, de mettre en place des moyens d'intégration des plans nationaux de mise en oeuvre pour les polluants organiques persistants dans leurs stratégies de développement durable, selon qu'il convient.
Au Canada, la plupart des POPs visés ont été interdits depuis plusieurs années. Ils sont cependant encore utilisés dans d'autres pays et la majorité des POPs retrouvés au Canada proviennent des États-Unis, du Mexique, de l'Amérique Centrale, de certains pays d'Europe de l'Est et de l'Asie. Or, du fait de sa situation géographique et climatique, le Canada est touché par le phénomène et les habitants des régions nordiques sont potentiellement exposés à ces polluants, en particulier les Inuits dont la nourriture traditionnelle comme le phoque, le morse ou l'ours blanc comporte de fortes teneurs en gras.
À l'instar de nombreux autres pays ayant ratifié la Convention, Le Canada a donc transmis son plan national de mise en oeuvre.
Outre le secrétariat, chargé principalement des tâches administratives, deux organismes ont été établis pour l'application de la Convention au niveau international:
-La Conférence des Parties (COP) organisme composé de toutes les Parties ayant ratifié la Convention et, le cas échéant, d'observateurs. Il est responsable des principales décisions, comme l'ajout d'une nouvelle substance à la Convention et les dérogations.
-Le Comité d'étude (POPRC ou POP Review Commitee) est composé de 31 experts du monde entier; il a un rôle aviseur et il examine les propositions pour ajouter de nouvelles substances à la Convention; chaque année, il se réunit pendant une semaine mais les travaux se poursuivent entre ces réunions dans des groupes de travail spécialement mandatés sur différents sujets : documentation sur les produits "candidats" (comme l'endosulfane), impact des changements climatiques, étude et suggestion de produits de remplacement,... La neuvième réunion du Comité doit avoir lieu en octobre 2013.
En conclusion, il faut souligner cet effort unique de la communauté internationale pour parvenir à un consensus et intervenir de façon concertée afin de protéger durablement la santé humaine et la qualité de l'environnement malgré les difficultés à concilier les intérêts et le niveau de développement de toutes les parties.
Sans oublier cependant que ces 21 substances ne constituent qu'une infime partie des innombrables polluants présents et à venir!
Le lecteur est invité à consulter le texte complet de la Convention (Voir : Pour en savoir plus).
[TECHEAUA]
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