Cet article a été co-rédigé avec Monique Henry du CEGEP de St-Laurent (Québec).
Dans un article précédent, nous avons tenté de définir ce qu'était une eau potable.
Voir : eau/actu,20130513090054,1.html
Ainsi, on aura compris que l'eau peut être distribuée ou rendue disponible aux populations si elle respecte les seuils fixés par les organismes nationaux de réglementation. En France, la qualité sanitaire de l'eau est décrite à travers près de 60 paramètres. On y retrouve des paramètres microbiologiques, des paramètres physico-chimiques et des propriétés organoleptiques. Comme dans la plupart des pays, ces valeurs limites prennent en compte les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Afin de rendre potable l'eau brute, pour qu'elle puisse respecter tous les seuils imposés, les techniciens ont accès à plusieurs procédés de traitement. On peut en utiliser un ou plusieurs à la suite, selon les caractéristiques de l'eau d'origine. A cet égard on constate une différence notable entre les eaux souterraines et les eaux de surface.
Pour les eaux souterraines, privilégiées dans plusieurs pays dont la France et dans certaines régions où la ressource est rare, comme en milieu rural des zones sahéliennes, la filière peut se limiter à quelques étapes, l'eau ayant déjà subi une filtration naturelle par le sol. A moins que la géologie en place ne donne à l'eau des caractéristiques incompatibles avec une utilisation par l'Homme, la chargeant naturellement en arsenic, en fluorure ou en d'autres éléments, les traitements seront relativement simples : déferrisation, démanganisation,... Dans les régions où l'activité agricole est importante, l'épandage des engrais provoque une hausse en nitrates des milieux aquatiques souterrains, les rendant parfois impropres à la consommation. Quant à la désinfection, elle est obligatoire dans tous les cas, même si l'eau n'a pas eu à subir de traitements.
Avec les eaux de surface, par essence plus exposées aux phénomènes naturels et souvent plus chargées en éléments plus ou moins grossiers, la filière des traitements utilisés se complexifie. Pour ces eaux, on parlera habituellement de filière "classique", celle qui s'est imposée dans les années 70-80, visant particulièrement l'abaissement de la turbidité de l'eau.
La filière classique débute normalement par un dégrillage, permettant d'éliminer les éléments grossiers. Les grilles sont installées perpendiculairement à l'écoulement et leur nettoyage périodique se fait mécaniquement ou manuellement, grâce à une sorte de peigne qui racle les barreaux de la grille pour en éliminer les matières qui s'y accumulent ; elles sont parfois suivies de tamis, voire de micro-tamis, pour bloquer les matières plus fines. Ainsi, en été, là où les eaux sont riches en algues de toute sorte, le micro-tamisage s'impose. Débarrassées de leurs matières grossières, les eaux sont ensuite soumises à une préoxydation, permettant d'oxyder les matières organiques, l'ammoniaque, le fer ou le manganèse, s'ils sont présents. Pour accomplir cette tâche, on a souvent recours à des oxydants puissants comme l'ozone plutôt qu'au chlore qui pourrait générer des sous-produits à caractère toxique comme les THM.
La filière classique se poursuit avec la clarification qui comprend 3 étapes, bien distinctes à l'origine, car elles s'effectuaient dans des compartiments différents et qui ont maintenant lieu, dans les usines modernes, au sein d'une même unité (décanteurs dynamiques) : la coagulation, la floculation et la décantation. Les colloïdes présents sont à l'origine d'une bonne partie de la turbidité de l'eau, et ne décantent que peu ou pas du tout. On dit qu'ils sont "stables". Ce sont les charges (le plus souvent négatives) qu'elles présentent qui font que les particules colloïdales se repoussent : la coagulation vise à diminuer cette charge par l'apport d'ions positifs triplement chargés comme l'ion Al+3 , ce qui va permettre la "déstabilisation" des colloïdes. L'étape suivante de réunion de ces particules, de façon à former des "flocons", est accélérée par l'addition de floculants organiques ou minéraux. Ces flocs vont sédimenter plus facilement à cause de leur taille. Les boues seront recueillies au fond du décanteur et le surnageant, clarifié, sera filtré.
Les filtres rapides utilisés, souvent à base de sable, bloquent ensuite les micro-flocons qui n'ont pas décanté dans l'étape précédente. La filtration rapide a remplacé au cours du XXe siècle la filtration lente, qui était à l'époque le mode principal de traitement des stations de production d'eau potable, s'accomplissant sans coagulation ni floculation préalables et où les filtres n'étaient pas nettoyés avec de l'eau et de l'air à contrecourant comme maintenant, mais par simple enlèvement de la couche superficielle lorsqu'elle était colmatée. D'ailleurs, on parlait alors de stations de filtration...
La filière classique se poursuit avec l'affinage, qui comprend une post-oxydation parfois suivie d'une filtration au charbon actif. On vise ici les polluants qui n'ont pas été retenus en amont : micropolluants organiques, ammoniaque,...
Les eaux qui ont été coagulées sont souvent agressives et doivent être mises "à l'équilibre", en augmentant leur pH, leur alcalinité et, si possible, leur dureté calcique, par exemple grâce à l'ajout de chaux ou par filtration sur un lit calcaire.
Une désinfection finale vient compléter le tout et elle s'effectuera, comme pour les eaux souterraines, avec un composé à base de chlore, qui a la propriété de se maintenir un certain temps dans l'eau, évitant ainsi les proliférations microbiennes ou les contaminations dans les réservoirs ou dans le réseau.
Attaquées de toute part, les eaux de surface sont parfois si chargées que la filière classique ne suffit plus. Il faut alors avoir recours à des traitements plus sophistiqués comme la filtration membranaire: microfiltration, ultrafiltration,... engendrant des coûts plus importants, mais qui sont en progrès constants et ont l'avantage d'éviter l'ajout de produits chimiques.
Complétons en signalant qu'il existe une foule d'agents coagulants, de floculants et d'aide floculants et nombre de décanteurs - dont ceux à flocs "lestés" par un micro-sable, et de filtres de remplissage et de conception variés. Soulignons que les équipements doivent souvent être en double pour assurer leur entretien ou leur réparation en cas de bris.
C'est à l'exploitant d'optimiser chaque étape du traitement et c'est un rôle complexe que les usagers ne réalisent que lorsque l'eau vient à manquer... en qualité ou en quantité !
La potabilisation de l'eau s'effectue dans de véritables usines. Cependant, on peut aussi appliquer les traitements décrits à plus petite échelle, là où on en a besoin (au POU : point of utilisation).
[TECHEAUA]
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