Des écosystèmes menacés
Véritables réservoirs de biodiversité, les récifs coralliens et les écosystèmes associés sont fortement menacés par les perturbations d'origine naturelle ou anthropique. Le dernier bilan du World Resources Institute est alarmant : à l'échelle planétaire, 75 % des récifs coralliens seraient en danger, taux qui devrait atteindre 100 % à l'horizon 2050. Ces chiffres inquiètent d'autant plus que ces récifs subviennent directement aux besoins alimentaires et économiques de nombreux pays en développement. En effet, la biodiversité exceptionnelle des poissons sur les récifs coralliens détermine en partie la biomasse directement consommable par l'homme.
Une biodiversité aux multiples facettes
Définitions :
· Diversité phylogénétique : étendue des gènes et des lignées représentées par les espèces.
· Diversité fonctionnelle : valeur et étendue des fonctions assurées par les espèces.
Jusqu'à ce jour, aucune étude ne s'était intéressée à l'impact des activités anthropiques sur l'érosion des diversités taxonomiques, fonctionnelles et phylogénétiques des communautés de poissons coralliens.
L'érosion de la diversité fonctionnelle et phylogénétique révélée
Grâce à un échantillonnage de 1 553 communautés de poissons réalisés en comptages sous-marins dans 17 pays du Pacifique Sud (figure 1), les chercheurs ont évalué les niveaux de diversité taxonomique, fonctionnelle et phylogénétique d'un groupe d'espèces exploitées le long d'un gradient de densité humaine allant de 1,3 à 1 705 habitants au km2 de récif.
Ces données socio-écologiques ont été collectées dans le cadre des projets PROCFish et CoFish coordonnés par le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique et financés par l'Union européenne.
Les résultats montrent la chute très importante des niveaux de diversité fonctionnelle et phylogénétique, notamment au-delà de 20 habitants au km2 de récif, alors que la richesse en espèces reste très peu affectée le long de ce gradient (figure 2).
Ainsi, lorsque la densité de population humaine atteint 1 700 habitants au km2 de récif, l'impact sur les niveaux de diversité fonctionnelle et phylogénétique (respectivement - 46 % et - 36 %) est plus important que sur la richesse en espèces (- 12 %).
Un " arbre de vie " à protéger
Ces travaux soulignent que le nombre d'espèces est un indicateur peu sensible à la pression anthropique, alors que deux autres composantes de la biodiversité se trouvent bien plus affectées par la densité humaine. Ces composantes constituent l'arbre de vie, c'est-à-dire la diversité en traits biologiques et en lignées phylogénétiques, essentielles au fonctionnement des systèmes coralliens.
Les chercheurs attirent ainsi l'attention sur l'importance de conserver l'ensemble des composantes de la biodiversité. Ils préconisent également d'utiliser la diversité en traits et en lignées comme indicateurs fiables et sensibles de la dégradation des communautés d'espèces.
Contacts
Laurent Vigliola, chercheur au centre IRD de Nouméa, unité de recherche 227 CoRéUs | laurent.vigliola@ird.fr | 687 26 07 91
David Mouillot, Professeur à l'Université Montpellier 2, UMR 5119 ECOSYM | david.mouillot@univ-montp2.fr | 04 67 14 42 97
Pour aller plus loin
Référence : S. D'agata, D. Mouillot, M. Kulbicki, S. Andrefouët, D. R. Bellwood, J. E. Cinner, P. F. Cowman, M. Kronen, S. Pinca, L. Vigliola. Human-Mediated Loss of Phylogenetic and Functional Diversity in Coral Reef Fishes, Current Biology, 2014. http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2014.01.049.
[1]Certaines espèces de poissons récifaux assurent des rôles clés dans le fonctionnement des écosystèmes : régulation de la compétition entre les algues et les colonies coralliennes, création d'espaces favorables au recrutement des larves de coraux par bioérosion ...
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