Dans une logique de développement durable, la gestion responsable de l’environnement culturel doit prendre en compte la dimension historique de l’espace donné, tout en visant un développement économique durable qui encourage la justice sociale.
Les grands conflits mondiaux de la première moitié du 20e siècle ont poussé les différentes nations à se pencher sur la difficile question de la sauvegarde des patrimoines à travers le monde. Quant aux chercheurs, ils ont constamment fait face, durant ces dernières décennies, à divers types de difficultés : les questions d’authenticité de l’objet patrimonial, de conservation et de restauration, de marchandisation de la culture, de transmission des informations au public, de propriété intellectuelle ou encore de médiation entre les groupes d’intérêts. Ce contexte de relations complexes implique de la constitution d’un cadre normatif qui ne doit pas être figé dans le temps. Ceci dit, les règles doivent être modifiées en fonction des transformations spécifiques auxquelles les divers domaines de recherche se trouvent obligés. C’est bien dans ce contexte que la notion de développement durable allait prendre une dimension toute particulière.
Le développement durable, selon la définition donnée dans le Rapport de Brundtland en 1987, est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Il s’inscrit dans une démarche visant à satisfaire le bien-être économique, social et culturel. Il doit être basé sur des approches participatives qui prennent en compte les cultures propres des communautés concernées.
La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (1992) affirmait l’engagement de la communauté internationale envers le développement durable. Le principe premier de cette Déclaration précisait que les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. D’autres textes furent adoptés dans cette même logique, notamment l’Agenda 21 (aussi appelé Action 21) qui est un programme d’action pour le XXIe siècle visant à mettre en pratique les principes inscrits dans la Déclaration de Rio. Il faut aussi mentionner la Convention sur la diversité biologique dont l’article 8 insiste sur l’importance de la protection des savoirs locaux comme élément de stratégie pour le développement durable et la conservation de la biodiversité.
Dès le début des années 1990 s’amorça une réflexion sur le thème de la culture et du développement. En ce sens, le Rapport Pérez de Cuéllar (1996) posa les termes d’une réflexion centrale sur les principes à faire valoir afin d’intégrer la culture dans les politiques de développement durable.
Sur cette même lancée, il ne faut surtout pas oublier le Sommet mondial sur le développement durable (Johannesburg, 2002) qui a aussi imposé la culture comme le quatrième pilier du développement durable aux côtés de l’économie, de l’environnement et de la préoccupation sociale.
En 2004, selon le nouvel Agenda 21 de la culture de «Cités et Gouvernements Locaux Unis», la culture est devenue un thème incontournable pour le développement. Elle constitue un des sujets majeurs de la mondialisation actuelle. Le dialogue interculturel et la promotion de la diversité culturelle font désormais partie des principales préoccupations de l’humanité.
En tant que réponse aux recommandations du Rapport Pérez de Cuéllar sur la place que devrait occuper le patrimoine culturel dans le développement, la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle réaffirme la conviction que le dialogue interculturel constitue une garantie pour la paix. Rappelons, pour être plus précis, que deux conventions internationales ont été promulguées à ce sujet par l’UNESCO : la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005). Cette dernière est le premier instrument juridique international visant à reconnaître pleinement le droit des États et des gouvernements à élaborer librement leurs politiques culturelles. Elle engage également ses parties à intégrer la culture dans le développement durable.
Il est admis sur le principe que l’État est le gardien des patrimoines culturels sur son territoire. En ce sens, il doit être capable de mettre en place les instruments adéquats permettant de réaliser de façon efficace toutes formes de patrimonialisation, et d’encourager la participation citoyenne, afin que toute la collectivité prenne conscience et s’engage résolument en faveur de la préservation de certains biens culturels essentiels. Malheureusement, l’histoire récente de différents pays offre des exemples d’importantes dérives quand il est question d’assurer la protection, la conservation et la viabilité de tel bien patrimonial et de tel autre, eu égard à l’émergence de conflits divers d’ordre religieux, idéologique ou politique.
En fin de compte, il convient de retenir dans la logique du développement durable que la gestion responsable de l’environnement culturel doit nécessairement intégrer la dimension historique de l’espace donné, tout en visant un développement économique durable lié à la justice sociale. La finalité du développement durable est de trouver un équilibre fort à long terme entre les enjeux écologiques, culturels, sociaux et économiques des activités humaines. Les objets de culture déjà patrimonialisés à ce jour constituent des ressources culturelles importantes dont la protection, la gestion et la transmission doivent découler des politiques de développement durable.
Au total, le terme de «développement durable» est parfois critiqué pour le flou qui l’entoure. Le flou que manifeste le terme de développement durable est susceptible de donner lieu à des interprétations erronées, du moins à des orientations stratégiques conflictuelles. C’est ainsi par exemple que la dynamique de développement durable a pu être perçue comme un outil dont les pays du Nord entendent se servir pour se protéger en étouffant la volonté légitime des pays du Sud de se développer également. D’autres encore soulignent les menaces que les idées potentiellement totalitaires au fondement du développement durable peuvent représenter pour les libertés individuelles. Enfin, on peut se demander si le concept de développement durable ne traduit pas une contradiction fondamentale, puis qu’il prétend parfois régler les problèmes d’ordre environnemental par la croissance économique continue.
Source: L'Interdisciplinaire, journal étudiant de l'Institut EDS
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Journal L'intErDiSciplinaire vol. 5 no 2 (673 hits)