Editorial
L’état des forêts à travers le monde est source de préoccupations qui s’inscrivent désormais, aujourd’hui plus qu’hier, à l’échelle globale. C’est que, la problématique des émissions de gaz à effet de serre avec pour corrélat, l’épineuse question du changement climatique, a fini par replacer les forêts au centre des grands enjeux planétaires. Depuis la publication du premier rapport du GIEC en 1990, l’adoption de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique à Rio en 1992, le Protocole de Kyoto et ses MDP en 1997 et la publication du rapport de Stern qui établit la réduction des émissions de CO2 des forêts comme étant l’option la « moins chère » ; les pays forestiers, notamment ceux en voie de développement, et particulièrement ceux de l’Afrique Centrale, se sont rapidement appropriés le concept et ont réussi à y introduire la dégradation, ce qui a donné lieu à la REDD.
En 2007, lors de la COP 13 à Bali, la REDD est mentionnée comme une activité intégrante du Plan d’Action de Bali devant aboutir à un accord global sur le climat en 2009. Et en 2009, malgré l’échec des négociations sur le climat, la REDD est mentionnée dans « l’Accord de Copenhague ». 2010, marque la décision sur la REDD à Cancun. Le texte sur les sauvegardes est finalement adopté. Un Fonds vert est mis en place où les pays développés s’engagent à mobiliser 100 milliards$ US d’ici 2020, au nom de la justice climatique, pour aider les pays en développement à faire face aux impacts du changement climatique.
Concrètement, la REDD s’appuie sur une idée-force, celle des payements axés sur les résultats consistant à payer les propriétaires forestiers et les usagers de la forêt pour réduire les émissions et augmenter les quantités de carbone piégées.L’essence de la REDD est de récompenser ceux qui maintiennent ou améliorent la séquestration du carbone des forêts et de compenser les pertes. Il faut y inclure les régimes de paiements directs, qui exigent non seulement des droits clairs à la terre, mais aussi la capacité de démontrer les droits d’exclusion ainsi que le droit et les moyens d’empêcher des tiers de modifier la couverture terrestre.
Les détenteurs de droits de carbone forestier doivent être tenus pour responsables dans le cas où ils ne parviennent pas à remplir leurs obligations. Lorsque la tenure foncière est difficile ou non formalisée, les gens peuvent être exclus des forêts et / ou de la participation à la REDD et ses bénéfices. Si la REDD augmente la valeur des forêts sur pied, il peut conduire à une ruée vers les ressources qui met en danger les droits des résidents actuels. La REDD va inévitablement interdire certaines utilisations des ressources forestières; cela doit être fait avec une procédure régulière et la rémunération, et sans augmentation des difficultés, pour les populations forestières pauvres.
S’il est vrai que la réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts et l’augmentation des stocks de carbone forestier dans les pays en développement (REDD ) était, au départ, une initiative internationale, et que ; le débat initial portait en grande partie sur l’architecture mondiale de la REDD et sur la manière de l’intégrer dans un accord sur le climat en 2012, reste qu’actuellement, les débats s’orientent de plus en plus aux échelles nationales et locales. En plaidant pour le sauvetage du Lac Tchad, les Pays riverains ont chacun pris l’engagement dans l’Intended Nationally Determined Contribution (INDC) ou Contribution Prévue, Déterminée au plan National (CPDN) de réduire les émissions de gaz à effet de serre lors de la COP 21 de Novembre 2015 à Paris. Une telle décision manifeste pour les chefs d’Etat concernés, la volonté d’inscrire les préoccupations de lutte contre le changement climatique et de préservation des écosystèmes naturels à l’échelle locale. Cet accord est entré en vigueur le 04 novembre 2016, mais sans mécanismes de sanction. Il repose essentiellement sur le bon vouloir des Etats à respecter leurs engagements en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.
Après Paris, la COP 22 de Marrakech au Maroc a constitué un test pour évaluer l’irréversibilité de la COP 21. Les délégués se sont mis d’accord sur 2018 comme date de finalisation des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris. La feuille de route est assez claire pour les deux prochaines années si l’on en croit le chef de file des pays africains dans la négociation. Les avancées de la COP 22 peuvent se résumer en une série de trois initiatives louables: l’Initiative Mondiale pour les Tourbières (IMT) qui vise à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre ; l’Alliance Mondiale pour les Technologies Propres (AMTP) et l’initiative pour l’Adaptation de l’Agriculture Africaine (AAA) en vue de la gestion maitrisée de l’eau, du sol et des risques climatiques. L’AAA constitue une priorité qui permettra à terme des avancées dans les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2015 en remplacement Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) arrivés à terme.
Toutefois, c’est peut-être la COP24 qui sonnera l’heure de vérité de l’Accord de Paris. Car, à cette occasion également, les Etats devront présenter des plans climat nationaux, être plus ambitieux dans leurs engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l’instant insuffisants, pour limiter le réchauffement en deçà de 2°C».
Il reste à espérer que ces initiatives (IMT, AMTP, AAA et ODD), véritables moyens d’aspiration vers un mieux-être, puissent inspirer la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) qui n’a cessé de déployer des politiques et des moyens en vue d’une gestion concertée et convergente des bassins forestiers des différents pays de la sous-région. Le RIFFEAC, organe d’exécution de la COMIFAC, se doit, plus que jamais, de contribuer efficacement à travers la Formation, la Promotion de la Recherche-Développement et la Communication de partager et faire partager toutes les informations disponibles ou émergentes susceptibles d’améliorer la gestion durable des ressources naturelles du Bassin du Congo et de l’Afrique en général.
Pr Mesmin TCHINDJANG (HDR)
Géographe - Environnementaliste
Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé I, Cameroun
Coordonnateur Scientifique du Global Mapping and Environmental Monitoring (GMEM)
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