En quinze ans, presque 13 000 articles de recherche ont été publiés dans les principales revues dédiées aux sciences de la conservation. Pourtant, la biodiversité reste menacée partout dans le monde. Deux chercheurs du CNRS se sont penchés sur ce paradoxe inquiétant en décortiquant cette riche littérature. Selon eux, l'un des obstacles majeurs serait la recherche constante d'arbitrages plus favorables aux activités humaines qu'à la protection de la nature. Cette étude est publiée le 10 septembre dans Trends in Ecology and Evolution.
Mais que fait la recherche ? Alors que la sixième extinction de masse perdure et s'accélère, les sciences de la conservation n'auraient toujours pas trouvé de solution. Pire encore, pour certains, les chercheurs seraient même trop pessimistes, au point de rendre contre-productives les alertes qu'ils lancent. Vraiment ? C'est la question que se sont posés deux chercheurs du CNRS, ce qui les a amenés à se plonger dans les 12 971 articles de recherche publiés ces 15 dernières années dans les principales revues scientifiques dédiées à la conservation.
Après avoir mis de côté les articles de discussions internes à la discipline, ils ont pu brosser le premier portrait empirique de la production scientifique en matière d'état des milieux naturels et des populations, d'identification de menaces, de propositions et d'évaluations des politiques de conservation.
Leur première conclusion est sans appel. Les principales menaces qui pèsent encore sur la biodiversité sont en réalité connues depuis 40 ans, surnommées « les quatre grands maux » depuis cette époque : (i) la trop forte exploitation des ressources (surchasse ou surpêche par exemple), (ii) la fragmentation de l'habitat des espèces, (iii) l'introduction d'espèces invasives et enfin (iv) les extinctions en chaîne qui peuvent découler des trois premiers facteurs. S'y ajoutent aujourd'hui les changements climatiques qui déséquilibrent plus encore les milieux naturels. La biodiversité « exotique » n'est d'ailleurs pas la seule en danger : la majorité des recherches s'intéressent plutôt aux écosystèmes européens, et ont mis en évidence la chute de populations communes comme celles d'oiseaux dans les campagnes françaises.
Heureusement, la recherche en conservation porte aussi de bonnes nouvelles : le retour spontané d'espèces tel le loup en Europe, ou la nette amélioration de situations de crise grâce à des mesures de protection. Les sciences de la conservation ne sont donc ni pessimistes, ni optimistes, mais réalistes. Selon les chercheurs, les propositions de solutions durables, compatibles avec les activités humaines, ne manquent pas. Le frein majeur réside plutôt dans la demande de compromis toujours plus favorables à l'exploitation plutôt qu'à la conservation, malgré des recommandations scientifiques déjà timorées.
Communiqué du CNRS
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