C'est en concluant sur le rôle équivoque des musées dans une société où la culture dominante est non viable que le Congrès annuel de la Société des musées québécois (SMQ) c'est terminé.
De plus en plus, la communauté muséale réfléchit à sa pertinence et à son implication sociale. Ce n'est pas sans conséquences : il y a environ 450 institutions muséales dans la province et autour de 12 millions de personnes les visitent annuellement.
Le congrès a mis en vitrine le thème de " Musées et développement durable ". Lors de la séance de clôture intitulée " Éthique, déontologie et développement durable ", les panélistes ont posés un regard critique sur l'utilisation même du terme " développement durable " dans le contexte muséal.
Provocateur, Tommy Berryman de l'Université du Québec à Montréal a ouvert la discussion en critiquant le terme même de développement durable. Il s'agirait d'une dérive, " d'un concept qui impose une vision du monde ". Également panelistes, André Delisle de Transfert Environnement et Johanne Landry du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris ont abordés la durabilité de manière moins conflictuelle en faisant allusion au dynamisme que le concept a insufflé à une foule d'initiatives difficilement critiquables.
Un participant proposa une réflexion suite au débat qui venait d'avoir lieu. " Bien des musées, les musées d'art et d'histoire notamment, ont le pouvoir de provoquer une réflexion sur notre rapport au monde. Nos institutions pourraient être des lieux où seraient mis à jour les tensions inhérentes au concept même de durabilité ".
Différentes pistes de solutions ont été exposées lors des deux jours du congrès. En termes muséographiques (les techniques liées à la gestion muséale), les solutions sont souvent bien identifiées. On a parlé de verdissement des pratiques muséales en termes d'événements verts, de nouvelles techniques d'accrochage respectueuse de l'environnement, d'implication dans la communauté, d'accessibilité ou encore d'architecture verte.
Diane Leboeuf explique que le développement durable n'a pas toujours été pris en compte dans les pratiques muséographiques mais que c'est une préoccupation de plus en plus présente. Diane Leboeuf a animé un atelier intitulé " L'exposition verte ". Présidente de SOAZ, une agence de communication qui a plus de vingt ans d'expérience dans le milieu muséal, elle explique qu'il y a encore trop peu de consultants qui s'intéressent à la question. " Quand on parle par exemple de matériaux verts, il faut aussi voir à ce que ceux-ci durent dans le temps. On aura beau faire des panneaux biodégradables ultra écologiques, s'ils ne résistent pas au passage du temps, leurs messages disparaîtront aussi ".
Pour Douglas Worts, un Torontois qui s'intéresse aux liens entre culture et développement durable, " les musées ont un rôle important à jouer comme facilitateurs et promoteurs d'une culture de durabilité ". Ils ont le potentiel de devenir de véritables agents de développement social et culturel. Avant que ce soit le cas, il faudra toutefois que bien des paradigmes sociaux changent.
Il pose une réflexion sur la définition officielle de musée proposée par le Conseil international des Musées. Pour lui, les musées " doivent aider au développement des capacités créatives d'adaptation de l'humanité face aux changements auxquels elle fait face ". La définition traditionnelle du musée a des limitations. Elle est trop liée aux stratégies des musées, pas suffisamment à leurs objectifs.
Douglas Worts croit que les musées du Québec ont un important rôle de critique sociale. Ce rôle pourrait ne pas être exploité si les musées se concentrent sur des thèmes bien circonscrits tel que c'est le cas depuis des générations. Douglas Worts invite les organisations avec lesquelles il travaille à dépasser leurs fonctions traditionnelles pour mettre en oeuvre des activités concrètes d'engagement communautaire.
Il est possible que la mise en place d'une stratégie de développement durable implique des changements organisationnels qui fassent peur. En réfléchissant en termes de durabilité, les institutions réalisent parfois que les besoins culturels de la société ont changés et que l'on ne peut uniquement y répondre avec les compétences actuelles. Les changements auxquels un monde globalisé fait face ne surviennent pas uniquement dans les musées bien entendu. Ils confrontent tous les secteurs de la société. C'est l'opinion de Douglas Worts qui offre des services conseils aux musées. Sa perspective est celle de celui qui a travaillé 25 ans au Musée des beaux-arts de l'Ontario.
Rejoignant les réflexions de la séance de clôture, Doulgas Worts souligne qu'il faudra que les musées " réfléchissent sur les changements culturels qui surviennent face aux défis de la durabilité. Les musées devront encourager le dialogue au sein de la société et cesser de jouer le rôle d'uniques détenteurs du savoir ". Pour lui, le rôle des musées devrait aussi en être un de médiation culturelle.
Lors de la conférence, Douglas Worts a mis les musées au défi en suggérant qu'ils revoient leurs mandats, voir même leurs principes d'opération. Il expliquait que l'on associait souvent aux musées des fonctions trop limitatives : collectionner, conserver et présenter des objets. " Y aurait-il confusion entre objectifs et stratégies? "
Douglas Worts suggère de clarifier les besoins culturels des communautés pour que les musées proposent des activités qui les positionneraient comme facilitateurs et médiateurs d'une " culture vivante ". Il suggère d'éteindre " le pilote automatique institutionnel ". Les musées se doivent de développer un ensemble de mesures qui leurs permettront d'identifier des besoins culturels en perpétuelle mouvance. Une série de mesures déterminées permettra aux musées d'évaluer la performance de leurs activités en fonction des réalités culturelles contemporaines.
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