La société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec (SNAP Québec) s’inquiète de la future construction d’un port minier sur la rive nord de la rivière Saguenay. En début de semaine, Ottawa a donné son approbation au projet mené par l’Administration portuaire du Saguenay, malgré les prévisions concernant l’augmentation du trafic maritime dans la zone d’habitat protégée des bélugas.
Dans le cadre du projet de mine d’apatite de la compagnie Arianne Phosphate, un quai sera construit près de Sainte-Rose-du-Nord, où des bateaux accosteront afin de transporter la matière première. Ces navires passeront par le Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, où circule la population de bélugas en voie de disparition.
Le projet sera construit entre Saint-Fulgence et Sainte-Rose-du-Nord. Photo : Capture d’écran, p. 25 du rapport
Selon le rapport d’évaluation rendu public le 20 octobre par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, le nombre de navires qui se rendront à ce port via le Parc marin du Saguenay-Lac-Saint-Jean s’élèvera à 140 par année d’ici 2030. Cela représente de 2 à 3 mouvements de navires par semaine directement liés au projet.
À ce nombre s’ajouteront toutefois plusieurs centaines d’autres passages liés à d’autres projets futurs, portant à 635 le nombre de bateaux qui navigueront dans le parc marin annuellement.
Malgré tout, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale juge que « le risque d’effet négatif cumulatif sur la population de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent, occasionné par l’augmentation du trafic maritime liée au projet, serait faible et que les mesures d’atténuation contribueraient à diminuer les risques. »
Aux yeux d’Alain Branchaud, directeur général de la SNAP Québec, cette décision de la ministre McKenna est révoltante puisqu’elle fait fi de la Loi sur les espèces en péril, dont les articles 32 et 58 interdisent de nuire ou de harceler une espèce protégée et de détruire un élément de leur habitat naturel. Le béluga, dont le nombre d’individu est estimé à 1000, alors qu’il s’élevait à environ 10 000 au début du 20e siècle, est protégé par ces articles.
« Cette autorisation démontre la difficulté à prendre en considération l’impact cumulatif des projets économiques sur l’habitat des espèces en péril. Il y a une accumulation de ces stress, et le stress additionnel peut être plus dommageable que celui qui sera pris individuellement. On vient ajouter sans gêne davantage de destruction de la condition d’habitat de ces espèces », explique le directeur.
« Chaque bateau qui passe est techniquement en infraction avec la loi sur les espèces en péril, en raison du bruit occasionné », ajoute-t-il.
En fait, bien que les effets relatifs à ce projet précis puissent être faibles tel que l’affirme Ottawa, c’est l’accumulation du bruit causé par des passages de navires de plus en plus fréquents qui pourrait causer problème.
Le rapport mentionne que la navigation dans l’habitat protégé du béluga « n’est pas sous le contrôle du promoteur » et que « l’implication et la collaboration des différents intervenants concernés par la navigation sur la rivière Saguenay sont essentielles afin de traiter adéquatement et de manière durable des effets cumulatifs du trafic maritime sur la population de béluga ».
Le rapport fait aussi état d’inquiétudes de la part des Innus Essipit, des Pekuakamiulnuatsh (Mashteuiatsh) et des Innus de Pessamit et la Nation huronne-wendat ainsi que du public, qui ont tous souligné l’importance de tenir compte de l’ensemble des projets futurs afin de maintenir la protection de l’habitat naturel des bélugas.
Le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) est d’avis qu’un portrait global du bruit ambiant est nécessaire. Un tel portrait pourrait permettre d’identifier s’il existe des refuges acoustiques et comment ceux-ci peuvent être protégés.
Des études sont par ailleurs menées en ce moment même afin de déterminer l’impact que peut avoir le bruit sur la population de cette espèce menacée. Un projet de recherche est entre autres en cours à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) afin de modéliser le trafic maritime et les déplacements des mammifères marins dans l’estuaire du Saint-Laurent et du Saguenay.
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