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Vendredi 9 décembre - Et si Durban n'aboutissait pas ? De l'indignation à la tristesse


Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050, pour l'IEPF

Nous sommes le vendredi 9 décembre 2011 en fin d'après-midi.
Un grand nombre de personne a déjà quitté le Centre International de Conférence de Durban (ICC). Les " au revoir " ont été assez tristes car les dernières nouvelles ne sont pas franchement optimistes. Pour autant, chacun essaye de se rassurer en pensant qu'étant en terre africaine et l'Afrique étant une des principales victimes du changement climatique, il est impensable qu'il n'y ait pas d'accord. Ceci étant dit, nous savons tous que les points en suspends et les désaccords sont nombreux tant sur la question des objectifs et de la feuille de route pour la mise en place d'un cadre contraignant pour l'ensemble des pays à l'horizon 2015 ou 2020 que sur les autres sujets comme l'adaptation, la question du financement et plus particulièrement celle du Fonds Vert ou encore celle de l'agriculture.

En fin d'après-midi, les ONG encore présentes défient le règlement mis en place par la Présidence sud-africaine et manifestent devant la salle plénière. Portant des tee shirt " I love the Protocol " ou " Don't kill Africa ", les ONG, sans aucune agressivité et dans une grande dignité, ont rappelé que l'Afrique ne devait pas faire les frais de l'incapacité des nations à se mettre d'accord. Elles ont rappelés que l'urgence devait se traduire en action et que l'accord de Durban ne devait pas être un document vide de sens et d'ambition.

C'est aussi dans l'après-midi que la Présidence sud-africaine a soumis aux Parties (pays et groupes de pays signataires ou observateurs du Protocole) un texte pour validation. Contre toute attente, ce texte ne reprend pas l'esprit des difficiles débats de ces deux dernières semaines et très rapidement les membres des délégations ont commencés à manifester ouvertement leur agacement, leur insatisfaction et pour certains leur refus.

Le bal n'était donc pas à sa fin et visiblement les négociations allaient devoir se prolonger pour sauver la face. Certaines délégations se sont organisées pour décaler autant que possible leur vol de retour. Certains Ministres ou Chefs de délégations ont décidé de partir quand même arguant que la situation remettait trop de choses en question et que le débat devrait reprendre dans d'autres enceintes. Chacun appréciera.

Dans tous les cas, l'important restait de ne pas crisper le processus afin de laisser une dernière chance à la Présidence sud-africaine de ne pas faire de Durban un échec cuisant.

Il est 20 heures, la plénière prévue dans la soirée se déroulera probablement demain samedi 10 en milieu de matinée. Les Ministres présents ou leurs représentants sont réunis en " Indaba " pour commenter le texte proposé par la Présidence sud-africaine (à noter la forte résonance historique du terme Indaba dans le contexte Sud africain). Les informations que nous recevons de nos amis délégués sont alarmantes. Le rejet est quasi unanime (G77, Union européenne) et plusieurs pays exigent que la Présidence propose un nouveau texte de travail. Les Etats-Unis et le Canada soutiennent le texte. La nuit s'annonce courte.

Le texte est finalement rejeté en bloc (ce qui est plutôt une bonne chose compte tenu de son contenu). Les critiques sur la Présidence sont très sévères. Certains délégués me diront même " a quoi joue l'Afrique du Sud ? " ou " Pour qui travaille t'elle ? ". On apprend que la Présidence va travailler sur un nouveau texte. La plénière de la soirée est formellement annulée.
Je croise des délégués furieux " on se moque de nous ". Un chef de délégation me dira même : " tout est remis à plat et même si le texte est retravaillé, je le rejetterai. Je n'ai pas le mandat pour me positionner sur des décisions qui remettent en cause certains principes fondamentaux de la CNUCC ". Je croise un ami délégué africain qui me dit " l'Afrique est perdue et il y en à marre de perdre son temps ".

On nous demande de quitter la salle plénière dans laquelle nous étions. " C'est finit pour aujourd'hui " me dit un agent de sécurité.

L'air est lourd .... Je ressens autours de moi beaucoup de fatigue, de la colère et aussi un sentiment général de fatalité. A titre personnel, en quittant le Centre de Conférence tard dans la soirée, je ressens un profond sentiment de tristesse et d'impuissance ... 

Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050, pour l'IEPF
[COP17-climat]
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